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pensive, en contemplant un vase de cuivre de forme arrondie, sourit, et dit à son mari : — Ce vase de cuivre me rappelle les folies de ce pauvre Mylio, qui ne manquait jamais de se coiffer de ce bassin en guise de casque.

Karvel, souriant aussi. — Mais aussi tu forçais notre étourdi de goûter à nos décoctions les plus amères… Cher et bon Mylio ! puisse notre ami, le marchand lombard, l’avoir rejoint en Touraine !

Morise. — Notre ami en s’informant du célèbre Mylio-le-Trouvère, il l’aura facilement rencontré… Le nom de ton frère est si connu, qu’il est parvenu jusqu’ici ; avant-hier encore, Aimery ne nous citait-il pas avec enthousiasme des vers de Mylio traduits en langue d’oc ?

Karvel, souriant. — Dame Giraude ne partageait pas absolument l’enthousiasme de son frère Aimery pour ces vers licencieux, non qu’elle soit d’une pruderie affectée, car jamais plus haute vertu ne s’est jointe à plus charmante indulgence… Jamais !… si… chez toi, Morise.

Morise.— Fi ! le flatteur ! me comparer à dame Giraude ! cet ange qui, veuve à vingt ans, belle comme le jour, comtesse de Lavaur, et n’ayant qu’à choisir parmi les plus riches seigneurs du Languedoc, a préféré rester veuve pour se livrer tout entière à l’éducation de son fils Aloys ?

Karvel. — Oh ! dis tout le bien imaginable de notre amie Giraude et tu resteras toujours au-dessous de la vérité… Noble femme ! quel cœur angélique ! quelle inépuisable charité ! Ah ! le proverbe du pays n’est pas menteur : « Jamais pauvre ne frappe à la porte de la dame de Lavaur, qu’il ne reparte souriant. »

Morise. — Et cette école de petits enfants qu’elle surveille elle-même avec tant de sollicitude ! disant judicieusement : qu’ignorance et misère engendrent tous les vices.

Karvel. — Et lors de la grande contagion de l’an passé… Giraude a-t-elle montré assez de courage ! assez de dévouement !