Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mylio. — C’est impossible !… J’emmène Florette en croupe, et nous allons…

Peau-d’oie. — Écoute-moi donc : Je n’ai jamais eu la barbarie de songer à écraser ton cheval de mon poids ; tu viens de me donner de l’argent ? j’achèterai un âne, et je le talonnerai si fort et si dru, qu’il faudra bien qu’il suive le pas de ton cheval.

Mylio. — Sais-tu le but de mon voyage ?

Peau-d’oie. — Corbœuf ! tu vas aller de château en château charmer les oreilles et les yeux des belles châtelaines, faire bombance, te divertir ; … Eh ! je t’en prie, laisse-moi te suivre… je ne serai pas importun ! À chacun son rôle : tu enchanteras les nobles dames et moi les servantes… À ta harpe, la grande salle du manoir ; à ma vielle, la cuisine et les Margotons.

Mylio. — Non, non, je renonce à cette vie de licence et d’aventures… je retourne auprès de mon frère, en Languedoc ; là, je me marierai avec Florette, et, à peine marié, il me faudra peut-être abandonner ma femme pour la guerre.

Peau-d’oie. — La guerre !

Mylio. — N’as-tu pas entendu ce sycophante d’abbé Reynier prêcher l’extermination des hérétiques ? Mon frère est l’un de leurs chefs, je vais le rejoindre et prendre part à ses dangers. Ainsi donc, adieu ! Ce n’est pas, tu le vois, un gai voyage que j’entreprends.

Peau-d’oie, se grattant l’oreille. — Non, tant s’en faut… et cependant, si j’étais certain de ne pas t’embarrasser en route, j’aurais grand plaisir à t’accompagner… Que veux-tu ? l’amitié, l’habitude, enfin, que te dirai-je ?… Je serais tout chagrin de me séparer de toi… Il me semble qu’après t’avoir quitté je trouverai, pendant longtemps, le vin amer, et que pas une chanson ne pourra sortir de mon gosier.

Mylio. — Ton affection me touche ; mais, je te l’ai dit, en arrivant en Languedoc, c’est la guerre !

Peau-d’oie. — Je suis, il est vrai, poltron comme un lapin, mais