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tesse de Séligny, et Huguette de Montreuil ; les hommes-juges de la cour d’amour sont d’abord : dom Hercule, seigneur de Chinon, redoutable chevalier, borgne, laid, mais, dit-on, fort recherché des femmes ; il porte une riche tunique à manches flottantes, et, sur sa chevelure noire et crépue, un chapel de glaïeuls orné de rubans roses ; vient ensuite Adam-le-Bossu-d’Arras, trouvère renommé par ses chants licencieux, petit, bossu par-derrière et par-devant ; ses yeux pétillent de malice, il ressemble à un vieux singe ; puis vous voyez maître Œnobarbus, le rhéteur théologal, célèbre par l’orthodoxie de ses controverses religieuses contre l’Université de Paris. Ce disputeur illustre est un homme sec, bilieux, chauve, et cependant il fait le joliet, clignotte des yeux, contourne sa bouche en cœur et farde ses joues creuses ; il porte une tunique de soie vert tendre, et son chapel de pâquerettes et de violettes ne cache qu’à demi son vilain crâne pelé, couleur de citrouille ; le dernier juge masculin est Foulques, seigneur de Bercy, récemment de retour de la Terre-Sainte ; son visage bronzé, cicatrisé, témoigne de ses vaillants services outre-mer ; il est jeune, grand, et malgré son air quelque peu féroce, sa figure est belle. Des guirlandes de fleurs, des lacs de rubans, suspendus à des piliers peints et dorés, marquent l’enceinte du tribunal ; au delà se tient une foule brillante et choisie ; nobles dames et chevaliers, abbés et abbesses des monastères voisins, pages malins et écuyers railleurs se sont rendus à ce plaid amoureux. Parmi cette foule se trouvent les onze compagnes de Marphise, qui, la veille, ont partagé sa collation, puis juré comme elle de se venger de Mylio-le-Trouvère, qui a échappé à leurs mauvais desseins en manquant le soir au rendez-vous qui l’appelait dans le verger de Marphise. La pétulante et rancuneuse petite comtesse Ursine, la plus forcenée de toutes ces belles courroucées, ne peut se tenir un moment en place ; elle va, elle vient de l’une à l’autre de ses amies d’un air affairé, irrité, parlant à l’oreille de celle-ci, faisant un signe à celle-là, et de temps à autre échangeant un regard d’intelligence avec