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Peau-d’oie. — Oui, grand friturier de tendrons ! et fie-toi à moi pour l’assaisonner de gros sel, la plantureuse friture de l’abbé de Cîteaux !

L’abbé Reynier, d’une voix toujours étouffée.— Vous êtes des scélérats… je suis à votre merci… je vous promets le silence… Mais, Mylio, tu ne veux pas ma mort ?… ordonne donc à ce monstrueux coquin de bouger… je suffoque…

Mylio. — Pour te punir d’avoir rêvé un paradis d’amour, fais encore un peu ton purgatoire, mon pudique moine. Toi, Peau-d’Oie, maintiens-le jusqu’à ce que j’aie crié : Bonsoir, dom ribaud. Alors tu te soulèveras, et le seigneur renard pourra s’échapper l’oreille basse et regagner son saint terrier ; voici mon épée pour contenir ce modèle de chasteté monacale, s’il tentait de se rebeller contre toi. Viens me trouver demain matin, mon vaillant César, je te dirai mes projets.

Peau-d’oie prend l’épée, se soulève, et, changeant de posture, s’assied sans plus de façon et en plein, sur le ventre du supérieur de l’abbaye de Cîteaux ; puis, le tenant en respect avec la pointe de l’épée, il dit : — Va, Mylio, j’attends le signal.

Le trouvère rentre dans le jardin, et bientôt en sort avec Florette, qu’il a enveloppée de son manteau ; il la prend entre ses bras, afin de l’aider à franchir la haie, puis les deux amoureux se dirigent rapidement vers un chemin ombragé de grands arbres, par lequel ils disparaissent. À la vue de la jeune serve, qu’il a reconnue, l’abbé Reynier pousse un soupir de regret et de rage, soupir rendu doublement plaintif par la pression du poids du jongleur, qui, toujours assis sur le ventre du moine, essaye de charmer ses loisirs en lui chantant ce tenson de sa façon :

<poem>« Quand florit la violette, » La rose et le glayol, » Quand chante le rossignol, » Je sens ardre l’amourette, » Et fais chanson joliette