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resse, toi qui lui as gagné un pain bien amer ! toi que, rêveuse, elle a souvent contemplé suspendu à un fil léger… cher petit fuseau, je te garderai toujours, tu seras mon trésor le plus précieux ! — (Il ôte de ses doigts plusieurs riches bagues d’or ornées de pierreries et les jette dans l’eau du ruisseau qui coule à ses pieds.)

Florette, avec surprise. — Que faites-vous ? pourquoi jeter ces belles bagues ?

Mylio. — Allez, allez, souvenirs honteux d’une vie mauvaise ! allez, gages éphémères d’un amour changeant comme le flot qui vous emporte ! allez, je vous préfère le fuseau de Florette !

Florette prend les mains du trouvère, les baise en pleurant et murmure : — O Mylio ! vous garderez ce fuseau ; je mourrai contente ! 


Mylio, la serrant dans ses bras. — Mourir ! toi mourir, chère et douce enfant ! oh ! non, non. Réponds, veux-tu me suivre ?

Florette, tristement. — Vous vous raillez de moi.

Mylio. — Veux-tu m’accompagner ? Je connais à Blois une digne femme, cette nuit je te conduis chez elle ; tu resteras cachée dans sa maison deux ou trois jours, ensuite nous partons pour le Languedoc, où je vais rejoindre mon frère. Durant le voyage tu seras ma sœur, et dès notre arrivée tu seras ma femme ; mon frère bénira notre union. Réponds, veux-tu te confier à moi ? veux-tu me suivre à l’instant ?

Florette a écouté le trouvère avec une surprise croissante, elle passe ses deux mains sur son front, puis elle dit d’une voix tremblante : — Je ne rêve pas ?… c’est vous… vous qui me demandez si je veux vous suivre ?

Mylio s’agenouille devant la jeune serve, prend ses deux mains et répond d’une voix passionnée : — Oui, douce enfant, c’est moi qui te dis : viens, tu seras ma femme ! Le veux-tu ?

Florette. — Si je le veux, mon Dieu ? quitter l’enfer pour le paradis ! 


Mylio se relève vivement et tend l’oreille du côté de la charmille.