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neuve, une gorgerette de fine toile, et m’a apporté du muguet et des roses, afin que je me tresse un chapel fleuri.

Mylio. — Ce ne sont pas ces apprêts de parure qui causent tes larmes ?

Florette. — Hélas ! ma tante veut ainsi me parer parce que demain le seigneur abbé vient au moulin…

Mylio. — Quoi ! cette infâme Chaillotte…

Florette. — Ma tante m’a dit : « Si le seigneur abbé te prie d’amour ; tu dois te livrer à lui. »

Mylio. — Et qu’as-tu répondu ?

Florette. — Que j’obéirais…

Mylio. — Tu consentirais ?…

Florette. — Je ne voulais pas irriter ce soir ma tante par un refus ; elle a été sans défiance, et j’ai pu me rendre ici.

Mylio. — Mais demain ? lorsque l’abbé viendra ?…

Florette. — Demain vous ne serez plus là, comme il y a quinze jours, Mylio, pour venir à mon secours, et m’empêcher d’être écrasée sous la roue du moulin…

Mylio. — Que veux-tu dire ?

Florette. — Il y a quinze jours, par frayeur des seigneurs moines, je suis tombée à l’eau sans le vouloir… demain, c’est volontairement que je me jetterai dans la rivière. — (La jeune fille essuie ses larmes du revers de sa main ; puis, tirant de son sein un petit fuseau de bais, elle le donne au trouvère.) — Serve et orpheline, je ne possède rien au monde que ce fuseau ; pendant six ans, pour gagner le pain que souvent ma tante m’a reproché, ce fuseau a roulé de l’aube au soir entre mes doigts, mais depuis quinze jours, il s’est arrêté plus d’une fois, lorsque j’interrompais mon travail en pensant à vous, Mylio… à vous qui m’avez sauvé la vie… Aussi, je vous le demande comme une grâce, conservez ce fuseau en souvenir de moi.

Mylio, les larmes aux yeux et pressant le fuseau de ses lèvres. — Cher petit fuseau, compagnon des veillées solitaires de la pauvre fila-