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ses pieds, que caresse l’onde argentée du ruisseau ; car, pensive et pleurante, Florette s’est assise là, sans s’apercevoir que ses pieds trempaient dans l’eau. Vous avez vu, fils de Joel, les beaux ou charmants visages des nobles amies de la marquise d’Ariol : mais, avouez-le ? aucune d’elles n’était douée de cette grâce pudique et touchante qui donne aux traits ingénus de Florette un charme inexprimable ; n’est-ce pas le fruit dans sa prime-fleur ? lorsque au matin, à demi caché sous la feuille humide de la rosée nocturne, il offre à vos yeux ravis cette fraîcheur vaporeuse, que le plus léger souffle peut ternir ? telle est Florette-la-Filaresse. Laborieuse enfant, de l’aube au soir, et souvent la nuit, à la clarté de sa petite lampe, elle file, file et file encore le lin et le chanvre, du bout de ses doigts mignons, non moins déliés que son fuseau. Toujours enfermée dans un réduit obscur, le teint pur et blanc de cette jeune serve n’a pas brûlé par l’ardeur du soleil ; le dur travail des champs n’a pas déformé ses membres délicats. Florette est là, tellement absorbée dans sa tristesse, qu’elle n’entend pas au loin un léger bruit à travers la charmille dont est entouré l’enclos du moulin ; oui, si chagrine, si rêveuse est Florette, qu’elle ne voit pas Mylio qui, ayant escaladé la haie, s’avance avec précaution, regardant de çà, de là, comme s’il cherchait quelqu’un ; puis, apercevant la jeune fille, qui, toujours assise, lui tourne le dos, il s’approche sans être entendu d’elle, et souriant lui pose doucement ses deux mains sur les yeux ; mais, sentant couler sous ses doigts les larmes de la serve, il saute par-dessus le tronc de l’arbre, s’agenouille devant elle, et lui dit d’une voix inquiète et attendrie : — Tu pleures ?

Florette, essayant ses yeux et tâchant de sourire. — Vous voilà, Mylio ; je tâcherai de ne plus pleurer.

Mylio. — Je craignais de ne pas te trouver à notre rendez-vous ; mais me voici près de toi, j’espère calmer ton chagrin. Dis, chère enfant, de ce chagrin, quelle est la cause ?

Florette. — Ce soir ma tante Chaillotte m’a donné une jupe