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chien.) Oui, je vous comprends, messire poltron, Chaillot vient avec son chien, et de ce chien vous avez grand’peur, hein ? (Peau-d’Oie fait un signe affirmatif en frottant le derrière de ses chausses.) Mais ne savez-vous pas, dom couard, que la nuit, de crainte des larrons, les habitants des maisons isolées n’ouvrent jamais tout d’abord leur porte ? qu’ils demandent, à travers l’huis, ce qu’on leur veut ? vous n’aurez donc rien à redouter de ce terrible chien ; vous direz seulement à Chaillot que vous désirez sur l’heure parler à sa femme de la part d’un moine de Cîteaux ; le meunier courra chercher sa digne compagne ; elle s’empressera de venir, car la vieille entremetteuse a toujours plus d’un secret avec ces papelards, et alors je me fie à votre faconde, seigneur jongleur, pour expliquer le but de votre visite nocturne et retenir le plus longtemps possible Chaillotte à la porte par le charme irrésistible de vos balivernes.

Peau-d’oie. — Vénérable matronne ! — dirai-je à la meunière, — je viens frapper à votre porte pour vous offrir mes petits services : je sais casser des œufs en marchant dessus, vider un tonneau par sa bonde, faire rouler une boule et éteindre une lampe en la soufflant… Avez-vous besoin de coiffes pour vos chèvres ? de gants pour vos chiens ? de souliers pour vos vaches ? je sais fabriquer ces menus objets… je sais encore…

Mylio. — Je ne doute pas de ton éloquence, réserve-la pour Chaillotte. Voilà donc mon projet, veux-tu m’aider ? si tu y consens ces dix deniers d’argent sont à toi.

Peau-d’oie. — Donne…

Mylio, lui mettant l’argent dans la main. — Les voilà.

Peau-d’oie (saute, gambade, trémousse son énorme bedaine en faisant tinter l’argent dans sa main. Il suit Mylio en disant :) — Ô Dom argent ! béni sois-tu, Dom argent ! avec toi l’on achète cottes de femmes et absolutions ! chevaux gascons et abbayes ! belles damoiselles et évêchés ! Ô Dom argent ! montre seulement un coin de ta face reluisante et aussitôt, à ta