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déroulée sur son épaule à fossettes, aussi blanchette que rondelette ; sa cotte est verte et ses bas roses ; sa bouche friponne est encore empourprée du jus d’un gros raisin, non moins pourpre que ses lèvres ; elle mordille une dernière fois à la grappe d’un petit coup de ses dents perlettes ; puis, riant aux éclats, elle se jette aux pieds de Marphise, et, avant d’être interrogée, s’écrie avec une volubilité non-pareille :

— Dame prêtre, mon bel ami n’est qu’un simple bachelier ; mais il est si parfait, si beau, si plantureux ! ah ! (elle fait claquer sa langue contre son palais) qu’il mériterait d’être duc, roi, empereur ou pape !

Marphise, avec une vague appréhension. — Et quel est le nom de ce modèle des amants ?

Ursine. — Son nom, dame prêtre ? (mordillant de nouveau sa grappe de raisin) son nom ? Oh ! pour sa vaillance, il devrait s’appeler : Vaillant ! pour son charme : Charmant ! pour sa constance : Constant !

Marphise. — Heureuse vous êtes, chère fille ; la constance est rare en ces temps-ci !

Ursine, avec emportement. — Si mon amant s’avisait de m’être infidèle ! jour de Dieu ! je lui arracherais les yeux ! Mais non, non ; vingt fois sur sa harpe divine il m’a chanté sa fidélité… car, savez-vous ? il chante comme un cygne, mon bel ami ! (Fièrement.) C’est Mylio-le-Trouvère !

Ursine, après cet aveu, se relève, et bondissant comme un chevreau, va rejoindre ses compagnes. Marphise, soupirant et maugréant à part soi, appelle et confesse tour à tour Florie, Huguette, Dulceline, Stéphanette, Alix, Emma, Argentine, Adelinde. Mais, hélas ! la voyez-vous la dame confesseur ? la voyez-vous ? l’entendez-vous ? — Et vous, chère fille, le nom de votre bel ami ? — C’est Mylio. — Et vous ? — Mylio ! — Et vous ? — Mylio ! — Toujours et toujours Mylio ! Toutes les douze n’ont à la bouche que ce damné nom de Mylio ; La dame confesseur, après avoir failli crever de jalou-