Églantine. — De plus ils vous ruinent en chapes, en aumusses ; rien de trop brillant pour eux !
Marphise. — Les chevaliers sont aussi d’un entretien fort dispendieux ! Si le clerc aime à briller à l’autel, le chevalier aime à briller dans les tournois, et il nous faut souvent équiper ces bravaches depuis l’éperon jusqu’au casque, depuis la bride jusqu’au cheval !
Églantine. — Puis un beau jour, cheval, armure, housse brodée, tout va chez l’usurier pour nipper quelque ribaude ; après quoi votre bel ami vous revient vêtu… de sa seule gloire, et vous avez la faiblesse de l’équiper à nouveau ! Ah ! croyez-moi, chères amies, c’est un triste amant qu’un coureur de tournois ! sans compter que souvent ces pourfendeurs sont plus bêtes que leurs chevaux…
La chanoinesse. — Un clerc est un choix non moins triste ; ces gens d’église ont, il est vrai, plus d’esprit que les chevaliers ; mais voyez le gai plaisir ? aller entendre son bel ami chanter la messe ? ou bien le rencontrer escortant un mort, en marmottant vite ses prières, afin de courir prendre sa part du festin des funérailles.
Églantine. — S’il vous fait un présent, pouah !… son argent sent le mort.
Marphise, riant. — Et ses galanteries les voici : « Si vous mourez, ma belle, je recommanderai très-benoîtement et particulièrement votre âme à Dieu, et vous dirai une superbe messe avec chants en faux-bourdon. » — (Les trois femmes rient aux éclats de la plaisanterie de Marphise.)
La chanoinesse. — Et pourtant, sur dix femmes, vous n’en trouverez pas deux qui n’aient un clerc ou un chevalier pour bel ami ?
Marphise. — Je crois que Deliane se trompe…
Églantine. — Voyons, nous voici douze dans ce verger ; nous sommes toutes jeunes, nous le savons ; jolies, on le dit ; nous ne sommes point sottes, puisque nous savons nous divertir tandis que nos maris sont en Terre-Sainte.