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ses grands yeux, ressemblerait à la Minerve antique, si, comme cette déesse, Marphise eût porté un casque d’airain et si sa large poitrine, d’une blancheur de marbre, eût été emprisonnée dans une cuirasse, si, enfin, sa physionomie eût rappelé l’austère fierté de la sage divinité ; heureusement il n’en est rien, grâce à la brillante gaieté du regard de Marphise et à ses lèvres rieuses, sensuelles et purpurines ; son chaperon d’étoffe orange, à bourrelet galamment retroussé sur l’oreille, découvre les nattes de ses cheveux noirs, tressés d’un fil de perles ; sa taille accomplie se devine sous sa robe de soie blanche, riche étoffe lombarde ramagée de légers dessins orange ; ses manches ouvertes et flottantes, son collet renversé, son corsage échancré laissent voir ses beaux bras nus et sa camise de lin, d’un blanc de neige, plissée à fraiseaux et lisérée d’or à la naissance du sein ; Marphise, pour rafraîchir sa joue animée, agite un éventail de plumes de paon à manche d’ivoire ; mollement étendue sur le banc de gazon, elle ne s’aperçoit pas, la nonchalante, qu’un pli relevé de sa robe laisse voir une de ses jambes chaussées de bas de soie vert tendre à coins brodés d’argent, et son mignon soulier d’étoffe de Lyon, à bouclette de vermeil adornée de rubis. Marphise se tourne, riante, vers Églantine, qui, debout derrière le banc de verdure, s’accoude à son dossier. Aussi ne voyez-vous que la figure et le corsage de cette gentille vicomtesse de Séligny ; bien nommée est-elle, Églantine ; jamais fleur d’églantier, à peine éclose, n’a été d’un coloris plus délicat, plus frais, plus printanier, que le visage enchanteur de cette blondinette aux yeux bleus comme le ciel de mai ; tout est rose en elle : rose est sa joue, rose est sa lèvre, rose est le petit chapel de fleurs parfumées qui couronne sa résille de lacets d’argent entrecroisés sur le blond cendré de sa chevelure, rose enfin est la soie de sa gorgerette, aux doux contours, étroitement boutonnée depuis sa ceinture jusqu’au col par un rang de fraisettes d’argent sarrasinoises merveilleusement ouvragées à jour. Tandis qu’Églantine est ainsi accoudée au dossier du banc de gazon, vous voyez, agenouillée de