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gazon où la, rose, l’anémone et le glaïeul marient leurs vives couleurs ; un banc de verdure s’arrondit au pied du pin gigantesque, dont les épais rameaux laissent glisser çà et là les derniers rayons du soleil, qui vont dorer l’eau cristalline du bassin ; douze femmes, dont la plus âgée (Marphise, dame d’Ariol) atteint à peine trente ans, et la plus jeune (Églantine, vicomtesse de Séligny) n’a pas encore dix-sept ans, douze femmes, dont la moins jolie eût paru, partout ailleurs qu’en ce lieu, un astre de beauté, douze femmes sont rassemblées dans ce verger. Après une collation où les vins de Blois, de Saumur et de Beaugency ont arrosé les délicats pâtés de venaison, les anguilles à la moutarde, les perdrix froides à la sauce au verjus, fin repas terminé par de friandes pâtisseries et des confitures, non moins largement arrosées d’hypocras ou de vins épicés, ces nobles dames ont l’œil émerillonné, la joue incarnate. Certaines d’être seules entre elles, à l’abri des regards indiscrets ou des oreilles curieuses, ces joyeuses commères ne gardent ni dans leurs propos, ni dans leurs ébats, la retenue qu’elles conserveraient peut-être ailleurs ; les unes, étendues sur le gazon, prenant l’eau limpide du bassin pour miroir, s’y mirent et s’y font, à elles-mêmes, toutes sortes de mines gentilles ; d’autres, perchées sur une échelle, s’amusent à cueillir aux arbres du verger les pommes empourprées, les poires jaunissantes, et, comme les cottes de ces belles dames leur servent de tablier pour recevoir leur cueillette, on voit parfois la couleur de leurs jarretières, ce dont nos grimpeuses n’ont point souci, car leur jambe est fine et bien tournée ; quelques-unes, se tenant par la main, se livrent, en riant aux éclats, à une folle ronde, qui gonfle ou fait voltiger les jupes outre -mesure ; d’autres, plus indolentes. groupées sur le banc de verdure, jouissent paresseusement du calme de cette douce soirée ; ces indolentes, il faut les nommer, sont Marphise. dame d’Ariol ; Églantine, vicomtesse de Séligny, et Déliane, chanoinesse du saint chapitre de Nivelle. Marphise, grande, brune, aux sourcils hardiment arqués, non moins noirs que ses cheveux et