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Ce roi, épouvanté, reprit sa femme Ingerburge, fit enfermer la pauvre Agnès dans un monastère, où elle mourut ; puis, pour faire sa paix avec l’Église, il contribua, en hommes et en argent, à la quatrième croisade ; mais les seigneurs croisés, obéissant aux ordres du légat du pape, et trouvant plus fructueux et moins périlleux de ne point pousser jusqu’à la Terre-Sainte, où il n’y avait plus que des horions à gagner, s’arrêtèrent à Constantinople, dont ils s’emparèrent sans coup férir, et se partagèrent l’empire de la Grèce comme ils s’étaient partagé la Terre-Sainte. Il y eut alors des Marquis de Sparte, des Comtes du Péloponèse, des Ducs d’Athènes, et Baudoin (descendant de ce Baudouin de la première croisade, qui fut roi de Jérusalem) devint empereur de Constantinople. C’est en l’an 1208, au plus fort des guerres de Philippe-Auguste contre Jean, roi d’Angleterre, et contre l’empereur d’Allemagne, que se passent les événements suivants représentés dans ce jeu. Lisez-le, ce jeu, fils de Joel, lisez-le, il porte son enseignement et sa moralité en soi. Quoique la peinture de la cour d’amour reflète, en l’affaiblissant beaucoup, la licence effrénée des mœurs de ce temps-ci, ces mœurs des nobles dames, des seigneurs et des prêtres, vous devez les connaître, fils de Joel ! La connaissance de ces faits redoublera votre juste aversion contre les descendants de nos conquérants, leurs éternels complices !




Ceci se passe à la fin d’un beau jour d’automne, dans le verger de Marphise, noble dame d’Ariol ; ce verger, situé tout près des remparts de la ville de Blois, est entouré d’une haute muraille garnie de charmilles ; un joli pavillon d’été s’élève au milieu de ce jardin rempli d’arbres, dont les branches, ployant sous leur charge de fruits empourprés, sont enlacées de ceps aux raisins vermeils ; non loin du pavillon, un pin immense jette son ombre sur un bassin de marbre blanc, rempli d’une eau limpide, et entouré d’une fine pelouse de