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la même. Les habitants de Laon sont complétement affranchis des droits odieux des seigneurs ; ils se gouvernent par des magistrats élus par eux ; ils ont rebâti la maison communale, relevé la tour du beffroi, repris leur sceau, leur bannière ; ils ont enfin reconquis leurs franchises. — Oh ! mon père, vous disiez vrai quand vous écriviez ces paroles prophétiques : — « C’est ainsi que pas à pas, péniblement, à force de luttes, de courage, de persévérance, nos enfants, tour à tour vainqueurs et vaincus, s’arrêtant parfois, après la bataille, pour panser leurs blessures et reprendre haleine, mais ne reculant jamais d’une semelle, arriveront, à travers les siècles, au terme de ce laborieux et sanglant voyage, et alors se lèvera, dans toute sa splendeur, le jour radieux de l’affranchissement de la Gaule, de l’émancipation du peuple. »




Aujourd’hui, premier jour de l’année 1140, moi, Colombaïk, j’ai atteint ma soixantième année. Mon fils Sacrovir-le-Brenn, âgé de vingt-huit ans, se marie demain ; ma femme Martine, malgré son âge, exerce allégrement son métier de filaresse, et moi mon métier de tanneur ; mon fils a pris la même profession que moi ; le Languedoc jouit toujours d’une grande prospérité ; Toulouse, gouvernée par ses Capitouls, est plus florissante que jamais ; les mauvais prêtres sont conspués ; l’influence de leur Église décline incessamment en ces heureux pays. Les habitants du Languedoc, guidés par leurs pasteurs qu’ils nomment parfaits, gens éclairés, doux, humains, presque tous pères de famille et remplissant généralement les fonctions de médecins ou d’éducateurs d’enfants, pratiquent les doctrines évangéliques dans leur simplicité primitive ; Louis VII, roi des Français, a succédé à son père Louis-le-Gros, mort en l’année 1137 ; la guerre désole plus que jamais le nord de la Gaule ; Henri II, roi des Anglais (descendants des pirates allemands du vieux Rolf), s’est emparé,