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muniers de Laon, qui criaient : « — Brûle ! brûle ! infâme repaire de la tyrannie des prêtres ! Puissent-elles être ainsi détruites, toutes ces églises où les fainéants tonsurés, ces éternels complices des seigneurs, prêchent une lâche soumission à la servitude ! »

— Ah ! mon enfant, n’oublie jamais ce terrible spectacle !… Les voilà donc les fruits de la guerre civile ! — dit Fergan à son fils en s’arrêtant au milieu de la petite place du Change, l’un des endroits les plus élevés de la ville, et d’où l’on découvrait au loin l’embrasement de la cathédrale. — Vois les lueurs de l’incendie qui dévore la cathédrale ; entends le bruit de ces tours seigneuriales s’écroulant sous le marteau des communiers ; écoute les gémissements de ces enfants, devenus orphelins ! de ces femmes, devenues veuves ! Vois ces blessés, ces cadavres sanglants emportés par des parents, par des amis en larmes : vois, à cette heure, partout dans cette ville, le deuil, la consternation, la vengeance, le désastre, le feu, la mort ! et rappelle-toi l’aspect heureux, paisible, que cette cité offrait hier, alors que le peuple, dans son allégresse, inaugurait le symbole de son affranchissement, affranchissement non pas arraché à nos oppresseurs d’autrefois, mais acheté d’eux, consenti, juré par eux ! C’était un beau jour, n’est-ce pas ? mon enfant ; oh ! comme nos cœurs bondissaient à chaque tintement de notre beffroi populaire ! comme tous les regards brillaient d’un légitime orgueil à la vue de notre bannière communale ! Nous tous, bourgeois et artisans, joyeux du présent, confiants dans l’avenir, quel mal faisions-nous ? Aucun ! Que voulions-nous ? Rien que de juste : continuer de vivre sous une charte jurée par les nobles, par l’évêque et par le roi ; oui, mais il est advenu ceci : les nobles, l’évêque et le roi, ayant dissipé l’argent dont nous avions payé nos franchises, se sont dit : « — Bah ! qu’importe une vaine signature, un vain serment ? nous sommes puissants, nous sommes nombreux, nous sommes chevaliers, nous sommes habitués à manier la lance et l’épée ; ces artisans, ces bourgeois, vils manants, fuiront lâchement devant nous. Allons, à cheval, nobles Épiscopaux ! en