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velure, et le força, malgré sa résistance, de se dresser peu à peu du fond de cette tonne, où il s’était accroupi ; ce fut un spectacle effrayant… il y eut un moment où, tirant toujours l’évêque par les cheveux à mesure que celui-ci se soulevait du fond de la tonne, Thiégaud parut tenir à la main la tête d’un cadavre, tant était livide la figure de Gaudry ; enfin il sortit à mi-corps du tonneau, et se tint un moment debout sur ses jambes ; mais elles vacillaient si fort que, voulant s’appuyer au rebord de la tonne, il lui imprima un brusque mouvement qui la fit cheoir, et l’évêque de Laon roula aux pieds du serf ; celui-ci, se baissant tandis que le prélat se relevait péniblement, regarda au fond de la barrique, et s’écria : — Non ; compère Ysengrin, ma fille n’est point là ; elle sera sans doute restée dans votre chaste couche ? Hein ? mon maître ?

— Mes bons amis ! mes chers fils en Jésus-Christ ! — balbutiait Gaudry qui, agenouillé, tendait les mains vers les communiers ; — je vous le jure sur l’Évangile et sur mon salut éternel ! je maintiendrai votre commune !

— Tu l’as déjà juré ! — Menteur ! — Renégat !… — s’écrièrent les insurgés courroucés ; — nous savons ce que vaut ton serment ! — tu ne nous tromperas pas une seconde fois !

— Oh ! tu payeras de ton sang le sang des nôtres qui a coulé aujourd’hui ! Justice ! justice !

— Oui, justice et vengeance au nom des femmes qui ce matin avaient un époux, et qui ce soir sont veuves !…

— Justice et vengeance au nom des enfants qui ce matin avaient un père, et qui ce soir sont orphelins !…

— Ah ! Gaudry, toi et les tiens, à force de parjures, de défis et d’outrages, vous avez lassé la patience du peuple ; malheur à toi ! malheur aux tiens !

— De nous ou de toi, qui a voulu la guerre ? As-tu écouté nos prières ? As-tu eu pitié du repos de cette cité ? Non ! Eh bien, pas de pitié pour toi !…