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rent de toutes les lèvres mais Jean Molrain, dominant facilement ce tumulte de quelques instants, obtint le silence. Tous les échevins se rassirent ; le maire, se levant alors, digne, calme et ferme, se retourna vers la bannière de la commune, qui flottait au-dessus de son siége, la montra du geste au messager de Louis-le-Gros, et dit : — Cette bannière, dont le roi nous commande le lâche abandon, la voici : Tu y vois figurés deux tours et un glaive ; ces tours sont l’emblème de la ville de Laon ; ce glaive est celui de la commune. Notre devoir est écrit sur ce drapeau : Défendre par les armes les franchises de notre cité !… Ce sceau que le roi exige comme un témoignage de renoncement à nos libertés, — ajouta Jean Molrain en prenant la médaille d’argent sur la table, — ce sceau, le voici : il représente un homme levant sa main droite au ciel pour attester la sainteté de son serment ; de sa main gauche il tient une épée, dont le poing repose sur son cœur. Cet homme, c’est le maire de la commune de Laon ; ce magistrat jure par le ciel de mourir plutôt que de trahir son serment ! Ce serment, que moi, Jean Molrain, j’ai juré, écoute-le : Moi, maire de la commune de Laon, librement élu par mes concitoyens, je jure de maintenir et défendre jusqu’à la mort nos droits et nos franchises !

— Oui ! oui ! — à ce serment nous serons tous fidèles ! — s’écrièrent les échevins avec enthousiasme ; — nous le jurons ! — plutôt mourir que de renoncer à nos franchises !

— Tu as entendu la réponse du maire et des échevins de Laon, — dit Jean Molrain à l’homme du roi lorsque le tumulte fut apaisé. — Maintenant, va dire ceci à Louis-le-Gros : Notre Charte a été jurée, signée par lui et par l’évêque Gaudry en l’année 1109 ; cette Charte, nous la défendrons par le glaive. Le roi des Français, nous le savons, est puissant en Gaule… Et la commune de Laon n’est forte que de son bon droit et du courage de ses habitants ; elle a tout fait pour éviter une guerre impie… elle attend ses ennemis.

À peine Jean Molrain eut-il prononcé ces dernières paroles qu’une