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du moins la vie sauve ; mais l’on obtiendrait peut-être, à force de lâche soumission envers l’évêque, quelques concessions qui rendraient la vie moins misérable. Heureusement, chez ceux qui les éprouvaient, ces coupables irrésolutions à l’heure du péril eurent cet avantage qu’elles montrèrent aux courages ébranlés l’abîme d’infamie où la peur pouvait les entraîner ; faisant alors un généreux retour sur eux-mêmes, ces hommes reconnurent qu’il leur fallait fatalement choisir : entre l’avilissement et la servitude ou les dangers d’une résistance sainte comme la justice ; qu’il leur fallait choisir entre la honte ou une mort glorieuse ; aussi bientôt, leur patriotique fierté reprenant le dessus, ils rougirent de leur faiblesse ; et lorsque l’envoyé de Louis-le-Gros eut achevé la lecture du royal message, aucun de ceux des échevins qui venaient d’être en proie à de cruelles perplexités n’éleva la voix pour conseiller le criminel abandon des franchises de la commune. La lecture du rescrit du roi achevée, Jean Molrain dit au messager d’une voix émue et solennelle : — As-tu mission d’écouter nos réclamations ?

— L’on ne réclame point contre un acte de la volonté souveraine de notre seigneur le roi, signé de sa main, scellé de son sceau, — répondit le messager. — Le roi commande dans sa toute-puissance, ses sujets obéissent avec humilité.

— Ainsi, — reprit le maire, — la volonté de Louis-le-Gros est irrévocable ?

— Irrévocable ! — répondit le messager. — Et, comme première preuve de votre soumission à ses ordres, le roi vous commande, à vous échevins, de me remettre les clefs, le sceau et la bannière de cette ville. J’ai ordre de les rapporter au seigneur évêque en témoignage de soumission à l’abolition de votre commune.

Ces paroles du messager portèrent à son comble l’exaspération des échevins ; les uns bondirent sur leurs siéges ou levèrent des poings menaçants vers le ciel ; d’autres cachèrent leur figure dans leurs mains. Des menaces, des imprécations, des gémissements s’échappè-