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tis, reconnus, solennellement jurés par ce prince et par l’évêque. Oui, grand était le courroux des échevins… car les moins belliqueux d’entre eux sentaient leur cœur bondir d’indignation à cet insolent défi jeté à la commune, à cette volerie effrontée de ce roi et de ce prélat rétablissant des droits odieux, dont une charte, vendue à prix d’argent, proclamait le perpétuel abolissement. Oui, grande était la douleur des échevins… car Louis-le-Gros leur ordonnait de remettre à l’évêque leur bannière, leur sceau, leur trésor, d’abattre l’hôtel communal et son beffroi ! À ce beffroi, à ce sceau, à cette bannière, symboles si chers d’un affranchissement obtenu après tant d’années d’oppression, de servitude et de honte, les communiers devaient donc renoncer ! il leur fallait retomber sous le joug odieux de Gaudry, alors que, dans leur légitime orgueil, ils espéraient léguer à leurs enfants une liberté si péniblement acquise… Ah ! des larmes de colère et de désespoir roulaient dans tous les yeux à la seule pensée d’un tel abaissement ! Oui, grande était la consternation des échevins… car les plus énergiques de ces magistrats, peu soucieux de leur vie, et résolus de défendre jusqu’à la mort les franchises communales, songeaient cependant, avec une affliction profonde, aux désastres dont était menacée cette cité si florissante, et aux torrents de sang que la guerre civile allait faire couler ! Victoire ou défaite, combien de misères, de ravages, de veuves et d’orphelins ! En ce moment suprême, quelques échevins, ils l’avouèrent ensuite, après avoir triomphé de leur défaillance passagère, sentirent leur résolution chanceler. Entrer en lutte contre le roi des Français, c’était, pour la ville de Laon, une outre-vaillance presque insensée ; c’était exposer presque sûrement les habitants à de terribles vengeances ; et ces magistrats, époux et pères, hommes d’habitudes paisibles, laborieux et peu batailleurs, ignoraient les choses de la guerre. Sans doute, se résigner à porter de nouveau le joug de l’évêque et de la noblesse, c’était le comble de la dégradation, c’était se soumettre, pour l’avenir, soi et sa descendance, à des indignités, à des spoliations incessantes ; mais l’on avait