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précipitamment le carrier. Celui-ci sortit des halles, gagna la place de la maison de ville, précédant et guidant le messager à travers la foule en disant : — Place et respect à cet envoyé ; il est seul, sans armes…

— Et de plus il est très-laid ! Si son message, lui ressemble, je n’en donne pas un bouton ! — s’écria la voix enfantine et perçante du petit Robin-Brise-Miche, l’apprenti forgeron, perdu dans la foule.

— Va, va, pauvre homme ! ne crains rien de nous ! — reprit une voix mâle ; — ce n’est point la faute de la cruche si elle contient de la drogue ! — Ces appréciations, peu flatteuses, sur sa figure et sur son caractère de messager, ne déplurent point à l’homme du roi ; il préférait les railleries aux horions et aux pierres. Il arriva, suivant toujours Fergan, jusqu’au seuil de l’hôtel communal ; là, il laissa son cheval à la garde de Robin-Brise-Miche, qui s’offrit avec empressement de veiller sur le palefroi, puis l’envoyé, accompagnant le carrier, monta dans la grande salle où se trouvaient réunis le maire et les échevins, les uns armés, les autres revêtus de leurs robes. La physionomie de ces magistrats était à la fois grave et anxieuse ; ils pressentaient l’approche d’événements désastreux pour la cité, quelle que fût leur issue. Au-dessus du siége du maire flottait la bannière communale ; devant lui, sur la table, était placé le grand sceau d’argent servant à sceller les actes.

— Maire et échevins ! — dit Fergan en rentrant, — voici le messager royal.

— Nous l’écouterons, — répondit le maire Jean Molrain ; — qu’il parle.

L’homme du roi semblait fort empressé d’accomplir au plus tôt sa mission ; il tira de son sein un parchemin scellé du sceau royal et le déployant promptement, il dit d’une voix légèrement émue : — Ceci est la volonté de notre seigneur le roi, il m’a commandé de vous lire ce rescrit à haute voix, et de vous le laisser ensuite, afin que vous n’en ignoriez.