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tenait la somme promise à la disposition de Louis-le-Gros. Celui-ci, à cette lettre si sage, si conciliante, fit répondre que, dans la matinée, les habitants de Laon connaîtraient ses volontés. Enfin, durant cette même nuit, l’on s’était aperçu, à l’intérieur de la ville que les Épiscopaux, retranchés dans leurs maisons fortes solidement barricadées, avaient fréquemment échangé entre eux des signaux, au moyen de flambeaux placés à leur fenêtre et tour à tour éteints ou rallumés. Ces nouvelles alarmantes, détruisant presque complètement l’espérance d’un accommodement, jetaient les communiers dans une agitation et une anxiété croissantes ; les échevins s’étaient rendus des premiers aux halles, ils y furent bientôt rejoints par le maire ; celui-ci, grave et résolu, demanda le silence, monta sur l’un des comptoirs des boutiques désertes, et dit à la foule : — La huitième heure du jour va sonner, j’ai commandé d’introduire dans la ville le messager royal lorsqu’il se présentera ; mais le roi et l’évêque nous ordonnent de nous réunir ici, aux Halles, pour y attendre leurs volontés ; il me semble plus digne de nous d’aller attendre et recevoir le messager royal dans notre maison communale. Là se trouve le siége de notre pouvoir ; et plus on nous conteste ce pouvoir, plus nous devons nous en montrer jaloux !

La proposition du maire fut accueillie par acclamation, et tandis que la foule suivait ses magistrats, Fergan et son fils, chargés d’attendre le messager de l’évêque, virent arriver à pas précipités l’archidiacre Anselme ; grâce à sa bonté, à sa droiture, il était aimé, vénéré de tous ; faisant signe au carrier de s’approcher, il lui dit d’une voix émue : — Je connais ton courage, ta sagesse ; veux-tu te joindre à moi pour tâcher de prévenir les malheurs dont cette ville est menacée ?

— Ainsi, le roi n’a pas même été touché du dernier sacrifice que nous nous étions imposé ? il a refusé l’offre de Jean Molrain ?

— Fergan, tout cela est odieux, est horrible ! — dit Anselme ; — c’est la honte de l’épiscopat et de la royauté ! Sachant que le maire avait offert au roi une somme d’argent considérable pour une nou-