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Une foule grossissant de moment en moment affluait aux halles ; ce n’était plus, comme la veille, une multitude joyeuse, remplie de sécurité, venant, hommes, femmes, enfants, fêter l’inauguration du beffroi communal, symbole de l’affranchissement des habitants de Laon ; non, ni femmes, ni enfants, n’assistaient à cette réunion si différente de la première ; les hommes seuls s’y rendaient, sombres, inquiets, les uns déterminés, les autres abattus, et tous pressentant l’approche d’un grand danger public. Rassemblés en groupes nombreux sous les piliers des halles, les communiers s’entretenaient des dernières nouvelles (ignorées de Fergan lorsque, accompagné de son fils, il avait quitté sa maison), nouvelles significatives et alarmantes. Les hommes de guet apostés dans les deux tours entre lesquelles s’ouvrait une des portes de la cité donnait sur la promenade qui s’étendait entre les remparts et le palais épiscopal, y avaient vu entrer au point du jour une troupe nombreuse de serfs bûcherons et charbonniers, ayant à leur tête Thiégaud, ce bandit familier de Gaudry ; puis, peu de temps après le lever du soleil, le roi, accompagné de ses chevaliers et de ses gens d’armes, s’était aussi retiré dans la demeure fortifiée du prélat, quittant Laon par la porte du midi, dont on n’avait osé refuser l’ouverture à la royale chevauchée. Les courtisans de Louis-le-Gros l’ayant averti que les habitants avaient veillé toute la nuit, que les enclumes des forgerons et des serruriers avaient constamment retenti sous le marteau pour la fabrication d’un grand nombre de piques, ces préparatifs de défense, cette agitation nocturne si contraire aux paisibles habitudes des citadins, éveillant la défiance et les craintes du roi, il s’était hâté de se rendre à l’évêché, où il se croyait plus en sûreté. Jean Molrain, le maire, instruit du départ du prince, avait couru au palais épiscopal, dont l’entrée lui fut refusée ; dans cette prévision, il s’était précautionné d’une lettre pour l’abbé conseiller du roi, lettre dans laquelle Molrain rappelait ses propositions de la veille, les renouvelant encore, suppliant le roi de les accepter au nom de la paix publique ; ajoutant que la commune