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piller par ses serfs afin d’affamer Laon ; ces précautions prises, le conseil avisa ; on ne reculait pas devant la guerre, mais l’on voulait tout tenter pour la conjurer ; il est convenu que Jean Molrain se rendrait auprès du roi pour le supplier d’obtenir de l’évêque qu’il nous fît justice, et qu’il promît de respecter désormais notre Charte. Le maire se rendit à l’hôtel du chevalier de Haut-Pourcin, où logeait le roi ; mais ne pouvant voir ce prince, il conféra longtemps avec l’abbé Pierre de la Marche, l’un des conseillers royaux, et lui remontra que nous ne demandions rien que d’équitable. L’abbé ne cacha pas à Jean Molrain que l’évêque étant allé à cheval au-devant du roi, l’avait longtemps entretenu, et que Louis-le-Gros semblait fort irrité contre les habitants de Laon. Jean Molrain avait déjà traité à Paris avec l’abbé de la Marche pour la confirmation de notre commune, il le savait très-cupide et lui dit : « — Nous sommes résolus de maintenir nos droits par les armes, mais avant d’arriver à cette extrémité, nous voulons tenter tous les moyens de conciliation ; aucun sacrifice ne nous coûtera. Nous avons déjà payé à Louis-le-Gros une somme considérable pour obtenir son adhésion à notre charte, qu’il daigne la confirmer de nouveau et ordonner à l’évêque de nous faire justice ; nous offrons au roi une somme égale à celle qu’il a déjà reçue, et à vous, seigneur abbé, un beau présent d’argent. »

— Et, alléché par cette promesse, — reprit Colombaïk. — l’abbé à sans doute accepté ? ces tonsurés trafiquent de tout !

— L’abbé, sans prendre d’engagement, a promis qu’au coucher du roi il lui ferait part de cette offre, et a donné rendez-vous à Jean Molrain pour onze heures du soir. Les échevins, approuvant la proposition du maire, ont parcouru la ville afin de prier un chacun de contribuer, selon son avoir, au montant de la somme offerte au roi ; ce dernier sacrifice devait du moins éloigner de la cité les maux de la guerre, tous les habitants s’empressèrent de contribuer ; ceux qui n’avaient pas assez d’argent donnaient une pièce de vaisselle ;