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— J’ai pris la grosse voix de mon compère Coucou-Piètre, et j’ai dit à ces brutes : « La foi est une abondante fontaine qui rafraîchit les âmes ; la foi est en vous, soldats du Christ, donc tournez le robinet… et rafraîchissez-vous… »

— Gauthier, tu serais digne d’être évêque !

« — Quoi ! gens de peu de ferveur ! — ai-je poursuivi d’une voix formidable, — vous osez demander où sont les jardins ombreux ? La foi n’est-elle pas non-seulement une fontaine, mais encore un arbre immense qui étend sur les fidèles ses rameaux tutélaires ? Donc, reposez-vous, étendez-vous à l’ombre… de votre foi, et jamais chêne séculaire ne vous aura prêté plus délectable ombrage sous ses rameaux feuillus ! Enfin, si ces divers rafraîchissements ne vous suffisent point, crevez de chaleur comme poissons sur le sable, et réjouissez-vous, mes compères, réjouissez-vous, car le Tout-Puissant sourit d’un air paterne aux douleurs de ses créatures, qui par leurs martyres deviennent des anges pour son paradis ! »

— Gauthier, ce n’est plus d’un évêché ou d’un archevêché que je te trouve digne ; mais du pontificat ! — dit gaiement le duc d’Aquitaine. — Puis, se retournant vers sa troupe, il dit à haute voix : — En route, et hâtons le pas, afin que l’armée ne prenne pas sans nous la ville de Marhala ; les Marhaliennes sont, dit-on, charmantes…




Le nuage de poussière soulevé par la troupe du duc d’Aquitaine se perdait au loin dans une brume ardente, dont les vapeurs rougeâtres envahissaient de plus en plus l’horizon ; ceux des traînards qui n’avaient pas jusqu’alors succombé à la fatigue, à une soif dévorante ou à leurs blessures, suivaient péniblement à une longue distance les uns des autres le chemin de Marhala, jalonné par tant de débris humains, au-dessus desquels des bandes de vautours, un moment effarouchés, revenaient tournoyer. Le dernier groupe de traînards dispa-