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— Le roi !…

— Oui.

— Le roi ? — répéta l’archidiacre avec stupeur, — lui qui a confirmé, juré la Charte d’affranchissement des bourgeois de Laon ?

— Le roi commence à écouter la voix de l’Église ; il comprend enfin que, s’il est pour lui d’une bonne politique et d’un bon profit de vendre pour un temps leur affranchissement, aux villes soumises aux seigneurs laïques, ses rivaux et les nôtres, il compromet gravement sa puissance en favorisant l’affranchissement des seigneuries ecclésiastiques, car en cela il habitue les peuples à s’émanciper du joug de l’Église ; or, l’Église seule a le pouvoir d’affermir le trône en ordonnant aux peuples d’obéir aux rois sous peine du feu éternel. Donc Louis-le-Gros, en confirmant provisoirement, moyennant pécule, les Chartes d’affranchissement des communes autrefois soumises à des seigneurs laïques, est fermement résolu à faire rentrer désormais sous l’autorité épiscopale toutes les villes ecclésiastiques affranchies, et il les écrasera si elles bronchent. Aussi, je te le répète, demain au plus tard, j’en ai l’assurance, Louis-le-Gros sera dans cette ville à la tête de ses hommes de guerre ; les nobles de le ville le savent comme moi.

— Je ne m’étonne plus de leurs provocations insensées ! Ah ! mes pressentiments ne me trompaient pas lorsque, ce matin encore, j’engageais les communiers à redoubler de calme et de prudence !

— Tu étais dans la bonne voie ; aussi, connaissant ton influence sur ces musards, je t’ai mandé ici afin de te charger de les engager à renoncer d’eux-mêmes à leur commune ensabbatée s’ils veulent échapper à un châtiment terrible.

— Évêque de Laon, — dit Anselme d’une voix émue et solennelle, — je refuse la mission dont tu me charges ; je ne veux pas voir couler dans cette ville le sang de mes frères !

— Quoi ?… tu dis…

— Je dis qu’après l’enthousiasme populaire dont j’ai été témoin