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— Faut-il donc te rappeler qu’à ton retour de Londres, et moyennant une somme d’argent considérable à toi donnée par la bourgeoisie, cette Charte tu l’as signée de ta main, scellée de ton sceau, jurée sur ta foi ? Peux-tu le nier ?

— J’ai eu tort d’agir ainsi ; l’Église tient sa seigneurie de Dieu seul… elle n’a pas le droit d’aliéner ses droits.

— As-tu rendu l’argent reçu par toi pour consentir la commune ?

— L’argent que j’ai reçu représentait au plus quatre années du revenu que, pour ma part, je tirais ordinairement des habitants de Laon. Trois ans sont écoulés depuis l’établissement de cette peste de commune, je suis donc, envers mes vassaux, en avance d’une année ; or, comme mon droit est de taxer à merci et à miséricorde, je doublerai la taxe de l’année présente, et, me trouvant ainsi au pair, j’exigerai, si bon me semble, la taxe de l’an prochain.

— Ce droit tu l’aurais si tu ne l’avais aliéné ; mais tu ne peux renier ta signature, ton sceau, ton serment ?

— Ah, ah, ah ! ma signature ! deux mots écrits au bas d’un parchemin ! mon sceau ? un morceau de cire ! mon serment ? un son de voix !

Anselme, malgré son calme, fut sur le point d’éclater ; il se contint et reprit : — Ainsi, tu persistes à abolir la commune de Laon ?

— Oui, par tous les moyens possibles.

— Soit ; tu renies un engagement sacré, mais tu oublies que, par prudence et ne reculant devant aucun sacrifice, les communiers de Laon, moyennant une autre somme d’argent considérable, ont fait confirmer leur Charte par le roi Louis-le-Gros.

— Le roi ? — fit l’évêque Gaudry en haussant les épaules ; — demain, au plus tard, Louis-le-Gros sera ici, à Laon, à la tête de bon nombre de chevaliers et d’hommes de guerre pour écraser ces misérables bourgeois s’ils osaient se refuser à l’abolition de leur commune !