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— Anselme, tu viens de voir et d’entendre des choses qui, sans doute, t’auront choqué ; nous en reparlerons tout à l’heure, — dit Gaudry lorsqu’il fut seul avec l’archidiacre. — Je t’ai mandé, voici pourquoi : je connais ton grand faible pour le menu peuple et la bourgeoisie.

— Ce n’est pas faiblesse, c’est affection réfléchie.

— Soit… Veux-tu rendre un signalé service à tes favoris ?

— De grand cœur.

— Eh bien ! puisque tu as la confiance de l’artisan et du citadin, dis-leur ceci : — « Croyez-moi, bonnes gens : renoncez à cet exécrable esprit de nouveauté, à cette forcennerie diabolique qui pousse en ces temps-ci le vassal à se dresser contre son seigneur ; abjurez au plus tôt cet orgueil effronté, stupide, impie, qui persuade à l’artisan et au citadin qu’ils peuvent se soustraire à l’autorité seigneuriale, afin de se gouverner par eux-mêmes. Allez, bonnes gens, — dois-tu leur dire encore, — retournez à vos métiers, à vos boutiques : la chose publique se passera fort bien de vous ; vous délaissez l’Église pour l’hôtel communal, vous ouvrez l’oreille au son de votre beffroi et la fermez au son des cloches de l’Église, cela ne vous est point bon ; vous finiriez par oublier la soumission que vous devez éternellement aux prêtres, aux nobles et au roi… Ne confondons jamais les conditions, bonnes gens ; à chacun ses droits, à chacun ses devoirs ; le droit du prêtre, du noble, du roi est de commander, de gouverner ; le devoir du serf, de l’artisan, du bourgeois est d’obéir aveuglément, sans réflexion, à la moindre volonté de leurs maîtres naturels, de qui l’autorité souveraine, sacrée, consacrée par la toute-puissance divine, doit être pour les serfs, les artisans, les vilains ou les bourgeois aussi sainte, aussi obéie qu’un article de foi ; donc, mes bonnes gens, cette pitoyable comédie communière et républicaine, que vous jouez depuis tantôt trois ans, et dont la cérémonie de ce matin est le bouquet, a assez duré, a trop duré. Renoncez de bon gré à vos ridicules rôles de maire,