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je n’aie à redouter comme rivale ! et je suis affolée de cet homme ! malheur à moi !

— Je vais d’un mot te rassurer, ma belle ; il est une race tout entière dont ta jalousie n’a rien à craindre… Ciel et terre ! la seule vue des femmes de cette exécrable engeance me donnerait, je crois, la chasteté d’un saint !

— De qui veux-tu parler ?

— Des juives ! — répondit le duc d’Aquitaine avec une expression de dégoût, d’horreur et presque de crainte. — Oh ! lorsque j’ai fait exterminer tous les juifs de mes seigneuries, pas une femme de cette espèce maudite n’a échappé aux tortures et aux supplices !

— Wilhelm, — dit Azenor-la-Pâle d’une voix légèrement altérée, — d’où te vient tant de rage contre ces infortunées ? quel mal t’avaient-elles fait ?

— Sang du Christ ! j’aurais pu par ignorance prendre une juive pour maîtresse ! — répondit Wilhelm IX en frémissant ; — et alors j’étais perdu !

— Perdu !… pourquoi ?

— Tu me le demandes ?… Avoir pour maîtresse une juive !… une juive ! — reprit le duc d’Aquitaine en frémissant de nouveau. — Tiens, Azenor, je ne crains ni prêtre, ni Dieu, ni diable, mais si jamais je touchais à une de ces bêtes immondes, impures, ensabattée, que l’on appelle une juive… je ne sais ce qu’il arriverait de moi !

— Toi, blasphémateur ! toi, sacrilège ! montrer une pareille faiblesse, toi qui ne crois à rien !

— Je crois à l’horreur insurmontable que m’inspire la juiverie… et d’ailleurs, tiens, regarde-moi.

— Tu pâlis !

— Et pourtant, Azenor, tu sais si jamais j’ai pâli devant la mort ou l’excommunication des prêtres ; mais, malgré moi, à la seule appréhension de cette juiverie, je… — Puis s’interrompant et voulant