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point de folles choses, dame de Haut-Pourcin, » — reprit le talmelier ; — « il est passé ce temps-là, où les nobles dames faisaient battre les bourgeoises ! »

— Oui, — ajouta Simonne, avec indignation ; — et savez-vous ce qu’elle a dit, cette harpie, en montrant le poing à Ancel ? « Va, gros butor ! la vile bourgeoise ne parlera pas longtemps si haut ! Bientôt l’on ne verra plus des manants porter le casque des chevaliers, et des coquines comme ta femme porter des cottes de soie payées par leurs amants !… » — En disant ces derniers mots, Simonne, dont la colère s’était jusqu’alors nuancée d’une sorte d’animation joyeuse, devint pourpre de confusion ; deux larmes roulèrent dans ses beaux yeux noirs, et elle ajouta, d’une voix douloureusement émue : — Un tel outrage… à moi… Et Ancel dit que ce n’est rien !

— Non, non ! n’es-tu pas aussi honnête femme que laborieuse ménagère ? — répondit affectueusement le talmelier en se rapprochant de Simonne, qui essuyait ses yeux du revers de sa main. — J’en fais juges nos bons voisins : cette sotte injure vaut-elle seulement la peine qu’on s’en souvienne ?

— Ancel a raison, — reprit Fergan ; — cette vieille est folle, et paroles de folle ne sont rien. Seulement, mes amis, il faut le reconnaître, l’insolence des épiscopaux va chaque jour croissante… Ah ! ces menaçantes allusions au temps passé annoncent quelque secret et méchant dessein !

— Quoi, mon père, ces gens-là seraient assez fous pour songer à attaquer notre Commune ? Quoi ! nous irions nous soucier de leur insolence ?

— Levain qui fermente est toujours aigre, mon garçon, — reprit le talmelier en hochant la tête d’un air pensif. — L’observation de ton père est juste, les provocations des épiscopaux ont une cause cachée. Tout à l’heure je disais à Simonne : ce n’est rien ; maintenant, je dis : c’est quelque chose.