Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en siècle, elles s’étaient emparées d’un grand nombre de provinces, qui toutes appartenaient à la royauté franque, lorsqu’elle eut conquis la Gaule ; oui, le roi combat les seigneurs à outrance ; mais le boucher aussi combat à outrance les loups qui dévorent les moutons destinés à la boucherie… Telle est la cause de la haine de Louis-le-Gros et des prélats contre les seigneurs laïques ; Église et Royauté veulent anéantir les seigneurs pour tondre et manger à elles deux le troupeau populaire que leur a légué la conquête. Ah ! mes enfants, croyez-moi, j’ai le cœur rempli d’espérance ; mais, je vous le répète, tant que serfs, artisans et bourgeois ne seront pas unis comme frères contre leurs ennemis de tous les temps, l’avenir me semblera gros de nouveaux périls. Plus heureux que nos aïeux, nous commençons une sainte lutte, nos fils auront à la continuer travers les âges…

— Pourtant, mon père, depuis trois ans ne vivons-nous pas en pleine paix ? en pleine prospérité ? délivrés d’impôts écrasants ? gouvernés par des magistrats de notre choix qui n’ont d’autre but que le bien de la chose publique ? Notre cité devient chaque jour de plus en plus industrieuse et riche. L’évêque et les épiscopaux ne peuvent être assez insensés pour vouloir maintenant attenter à notre liberté !

— Mon enfant, il nous faut, si nous voulons conserver nos franchises, redoubler de vigilance, d’énergie.

— Pourquoi ces craintes, mon père ?

— L’évêque Gaudry et les nobles de la ville nous soumettaient, selon leur caprice et sans merci, à des impôts écrasants, à des droits odieux ; nous leur avons dit ceci : « Renoncez pour toujours à vos droits, à vos taxes annuelles, affranchissez-nous, signez notre commune, nous vous donnerons une somme considérable une fois payée. » Ces gens oisifs, prodigues et cupides, ne songeant qu’au présent, ont accepté notre offre ; mais à cette heure l’argent est dépensé ou peu s’en faut, et ils regrettent d’avoir, comme on le dit dans le conte : tué la poule aux œufs d’or !