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ans au plus l’accompagnait. Le fils du carrier, beau et grand garçon de vingt-deux ans réunissait, dans l’expression de sa physionomie, la douceur de sa mère et l’énergie de son père ; il était, comme lui, vêtu moitié en citadin, moitié en soldat ; son casque de cuir noir, garni de lames de fer luisantes, donnait un caractère martial à sa figure avenante et ouverte ; il tenait sur son épaule une pesante arbalète ; à son côté droit, pendait un fourreau de cuir contenant les carreaux destinés au jet de son arme, et à son côté gauche il portait une courte épée ; sa femme Martine, fille unique de la vieillesse de Gildas, frère aîné de Bezenecq-le-Riche, avait l’âge et la beauté de la pauvre Isoline, victime comme son père de la féroce cupidité de Neroweg VI.

— Mon père, — dit gaiement Colombaïk à son entrée dans la chambre, en faisant allusion à son attirail guerrier, — en votre qualité de connétable de notre milice de bourgeois et d’artisans, me trouvez-vous digne de figurer dans la troupe ? Colombaïk le soldat fait-il, par sa tournure guerrière, oublier Colombaïk le tanneur ?

— Grâce à Dieu, Colombaïk le soldat n’aura pas, je l’espère, à faire oublier Colombaïk le tanneur, — reprit Jehanne avec son doux sourire, — pas plus que Fergan le connétable n’aura à faire oublier Fergan le maître carrier ; vous continuerez de guerroyer, toi avec tes fouloirs, contre les peaux de ta tannerie, ton père avec son pic, contre les pierres de sa carrière. N’est-ce pas aussi ton espérance et ton vœu, chère Martine ? — ajouta Jehanne en s’adressant à la femme de son fils.

— Certes, ma bonne mère, — répondit affectueusement Martine. — Heureusement ils sont déjà loin, ces temps maudits, où les bourgeois et les artisans de Laon, pour échapper aux violences ou aux exactions de l’évêque, des clercs et des chevaliers, se barricadaient dans leurs maisons afin d’y soutenir des siéges, et souvent encore, malgré leur résistance, forçait-on leur maison et les emmenait-on au palais épiscopal, où on les torturait pour obtenir rançon. Quelle