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une mine féodale et guerrière ; mais, ce matin-là, silencieuses et fermées, elles semblaient témoigner du déplaisir que causait aux nobles épiscopaux l’allégresse de la roture laonaise. Cependant l’on voyait d’autres maisons que celles des nobles flanquées de tourelles ; mais la blancheur des pierres de leur bâtisse, contrastant avec la vétusté du bâtiment primitif, dont elles n’étaient que les annexes, témoignait de leur construction récente. L’un de ces logis, ainsi fortifié depuis peu de temps, s’élevait à l’angle de la rue du Change, rue marchande par excellence ; la vieille porte cintrée aux assises et aux linteaux de pierre, de chaque côté de laquelle s’élevaient deux blanches et hautes tourelles nouvellement édifiées, avait été ouverte au point du jour, et l’on voyait à chaque instant entrer dans ce logis ou en sortir plusieurs habitants, venant se renseigner là sur certains préparatifs de la cérémonie. Dans l’une des chambres de cette maison se trouvaient Fergan et Jehanne-la-Bossue ; depuis environ douze ans ils avaient quitté la Terre-Sainte. Les cheveux et la barbe de Fergan, alors âgé de quarante ans passés, commençaient de grisonner ; ce n’était plus le serf d’autrefois, inquiet, farouche, déguenillé ; ses traits respiraient le bonheur et la sérénité ; équipé presque en soldat, il portait un jaque ou cotte de mailles de fer, un corselet d’acier, et assis près d’une table, il écrivait ; Jehanne, vêtue d’une robe de laine brune et coiffée d’un chaperon noir à bourrelet, d’où tombait un long voile blanc flottant sur ses épaules, semblait non moins heureuse que son mari ; sur la douce et vénérable figure de cette vaillante mère, si rudement éprouvée jadis, on lisait l’expression d’une félicité profonde. Elle venait, selon le désir de Fergan, de retirer d’un vieux meuble de chêne un coffret de fer, qu’elle plaça sur la table où écrivait Fergan ; ce coffret, héritage de Gildas-le-Tanneur, contenait plusieurs rouleaux de parchemins jaunis par les siècles, et ces divers objets, si chers à la famille de Joel : — la faucille d’or, d’Héna, la vierge de l’île de Sên ; — la clochette d’airain, de Guilhern-le-laboureur ; — le collier de fer, de Sylveste l’esclave ; — la