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rants : « Donne ta fille à un vieux pirate souillé de tous les crimes et abandonne-lui l’une des plus belles provinces qui te restent, sinon, tremble pour ta couronne ! »

Quelques instants après, la belle Shigne et Gaëlo, ayant endossé par-dessus leurs armures les casaques à capuchon des mariniers parisiens, se rendaient au château du Comte Roth-bert, guidés par Eidiol.




L’un des pavillons de la résidence royale de Compiègne servait d’habitation à Ghisèle, fille de Karl-le-Sot, roi des Franks ; elle se tenait d’habitude avec ses femmes dans la grande salle du premier étage ; une haute et étroite fenêtre garnie de petits vitraux, percée dans une muraille de dix pieds d’épaisseur, s’ouvrait sur la sombre et immense forêt au milieu de laquelle s’élevait le château de Compiègne. Ghisèle, ce matin-là, travaillait à un morceau de tapisserie : elle venait d’atteindre sa quatorzième année, Karl-le-Sot, marié à seize ans, ayant été père à dix-sept : la figure de Ghisèle était enfantine et douce ; sa nourrice, femme d’environ trente-six ans, se tenait auprès d’elle, lui donnant les laines de couleurs variées dont se servait la jeune princesse pour son travail. À ses pieds, sur un escabeau, se tenait Yvonne, sa sœur de lait ; plus loin quelques filles assises sur leurs talons, filaient leur quenouille ou s’occupaient de divers ouvrages de lingerie.

— Jeanike, — disait Ghisèle à sa nourrice, — mon père vient toujours m’embrasser chaque matin, et il n’est pas encore venu ? voici pourtant le soleil déjà haut.

— Je vous l’ai dit, le Comte Roth-bert et le seigneur Francon, archevêque de Rouen (U), accompagnés d’une nombreuse escorte, sont arrivés cette nuit de Paris ; le chambellan est allé éveiller le roi votre père, et depuis quatre heures du matin il s’entretient avec le seigneur Comte et le seigneur archevêque.