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sement, qu’elle a perdu connaissance ; heureusement elle a repris ses sens ; mais sa faiblesse est si grande qu’elle n’a pu sortir de l’une des cellules voisines où elle nous attend.

— Vous ici, dans cette abbaye, mon père — reprit la jeune fille avec stupeur, lorsque sa première émotion fut calmée, — toi aussi mon frère ? vous aussi, Rustique ? Est-ce donc un rêve ?

— Le comte de Paris avait posté des archers au bord de la Seine, afin d’arrêter tous les bateaux qui la remontaient, — répondit le vieillard ; — deux de ces guerriers m’ont amené auprès de Roth-bert, et après une discussion avec lui, il m’a fait conduire en ces lieux souterrains.

— De plus, ce traître nous a dépêché un de ses hommes pour nous dire que mon père nous mandait à l’instant auprès de lui, — ajouta Guyrion, — nous sommes venus sans défiance...

— Et à peine avions-nous mis le pied dans l’abbaye, — ajouta Rustique-le-Gai, — que les soldats du comte se sont jetés sur nous à l’improviste, et nous avons, ainsi que nos mariniers, partagé le sort de maître Eidiol.

— Mais, mon père, — reprit Anne-la-Douce, — qui vous a délivrés ?

— Les pirates north-mans, ma chère enfant.

— Grand Dieu ! — s’écria la jeune fille épouvantée en joignant les mains, — quoi, mon père, ces païens...

— Anne, des païens qui nous délivrent valent mieux que des chrétiens qui nous emprisonnent, — reprit Rustique ; — de plus ces païens sont de hardis et rusés compères, ils se sont introduits ici par stratagème, et ont exterminé une centaine de guerriers franks sans compter les moines qu’ils ont assommés.

— Après quoi, ma sœur, — ajouta Guyrion, — ils se sont mis à piller la basilique et l’abbaye : il y a dans la cour un tas de butin qui dépasse la hauteur des arceaux du cloître !

— Ensuite, conduits par les serfs, pour qui c’est aujourd’hui jour