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encore accabler l’Église et les seigneurs ; c’est donc à nous, seigneurie et clergé, de nous unir, de nous défendre ! Nous n’avons aucun secours à attendre de Karl-le-Sot ; comme ses lâches aïeux, Karl-le-Chauve et Karl-le-Gros, il ne songera qu’à défendre, s’il le peut, ses domaines royaux, et laissera les North-mans ravager nos biens !

— Hélas ! hélas ! — reprit en gémissant l’abbé de Saint-Denis, — à quelles nouvelles calamités sommes-nous réservés ? Si les désolations, les abominations du passé doivent se reproduire, ce sera horrible !... N’a-t-on pas vu Karl-le-Chauve forcé d’octroyer la comté de Chartres à cet exécrable Hastain, chef des pirates north-mans ! un vil serf révolté ! un bandit souillé de crimes, de sacrilèges abominables ! Hélas ! en quels terribles temps vivons-nous ! Que faire, mon Dieu, que faire ?

— Je te l’ai dit, ne pas gémir et agir ! — s’écria Roth-bert, — ne pas compter sur un roi imbécile, ne compter que sur nous ; organisons notre défense, armons nos colons, nos vilains ; s’ils refusent de marcher, terrifions-les par les supplices !... Toi, Fultrade, homme d’énergie et d’intelligence, tu vas partir sur l’heure avec quelques-uns de mes officiers et une bonne escorte pour aller convier, de ma part, les évêques et les abbés de mon duché de France à mettre en armes leurs vilains et leurs serfs ; une partie de ces gens resteront dans les abbayes et les châteaux pour leur défense, les autres seront dirigés vers Paris pour la défense commune. Hâte-toi, Fultrade, sous ton froc bat un cœur de soldat, de hardi soldat, tu rempliras vaillamment, je le sais, ta mission.

— Comte, y penses-tu ? — s’écria l’abbé en levant les mains au ciel. — Quoi ! en un moment si périlleux, tu veux m’enlever Fultrade !

— Ne crains rien, — reprit Roth-bert, — en quittant Paris, j’ai donné l’ordre à cent de mes vieux guerriers de se rendre en hâte ici. Ce poste est très-important, il domine la Seine ; toutes les fois que les North-mans sont venus assiéger Paris, ils se sont emparés de cette abbaye.