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reille, ces deux Holkers ne se ressemblent pas plus qu’un homme robuste ne ressemble à une svelte jeune fille : l’un, peint de noir, avait pour ornement de proue un aigle de mer couleur de vermillon ; son bec et ses serres étaient de fer poli. Au sommet du mât, une girouette ou wire-wire représentant aussi un aigle de mer découpé dans une plaque de métal, tournait au moindre vent dont la direction était indiquée par le déploiement d’un léger pavillon rouge placé au flanc droit du holker, pavillon sur lequel le même oiseau marin se voyait brodé en noir. Au-dessus des bordages percés des ouvertures nécessaires au maniement des rames, une rangée de boucliers de fer étincelait aux rayons du soleil couchant, ainsi que les armures des pirates, façonnées de petites écailles de fer qui, les couvrant de la tête aux pieds, leur donnaient l’apparence de poissons gigantesques.

Terribles hommes que ces pirates ! Des rivages de la Suède, de la Norwège ou du Danemark, ils arrivaient en quelques jours de traversée sur les côtes de la Gaule ; ils se glorifiaient dans leurs Sagas ou chants populaires, de « — n’avoir jamais dormi sous un toit de planches ou vidé leur coupe de corne auprès d’un foyer abrité ; — » pillant églises, châteaux, abbayes, changeant les chapelles en écuries, se taillant chemises et culottes dans les nappes de l’autel, ravageant tout sur leur passage ; ils « — chantaient ainsi, — disaient-ils, — la messe des lances, la commençant à l’aube, la finissant le soir. » — Guider son bateau comme un bon cavalier manie son cheval, courir pendant la manœuvre sur les rames en mouvement, lancer en se jouant trois javelots au sommet d’un mât, les recevoir dans sa main et les relancer encore sans manquer une seule fois le but, telles étaient les qualités d’un bon pirate. « —Narguons la tempête, — disaient leurs chanson de mer, — l’ouragan est notre serviteur, il aide nos rames, enfle nos voiles, et nous pousse où nous voulons aller. En quelque lieu que nous abordions, nous mangeons le repas préparé pour d’autres ; après quoi mettant l’hôte à mort et le feu à la maison, nous reprenons la route azurée des cygnes ! » — Ces North--