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genoux d’Isoline, sur lesquels il posa la tablette du notaire, il écrivit les lettres, disant parfois à la pauvre enfant en souriant : — Ne fais donc pas ainsi trembler ma table... tu donnerais à ces dignes hommes mauvaise opinion de mon écriture... — Les deux lettres achevées, le marchand les remit à Garin, qui, après les avoir lues, ajouta :

— Maintenant, il nous faudrait les renseignements sur ton trésor secret.

— Voici deux clefs, — dit le marchand en les tirant de sa poche, — l’une ouvre une sorte de petit caveau qui donne dans la pièce qui me sert de comptoir...

Dans la pièce qui lui sert de comptoir, — répéta le tabellion en écrivant à mesure les paroles du marchand. Celui-ci poursuivit : — L’autre clef ouvre un coffre garni de fer, placé au fond de ce réduit ; dans ce coffre, l’on trouvera les lingots d’argent et une cassette contenant les huit cent soixante pièces d’or. Je ne possède pas un denier de plus, aussi, mes dignes maîtres, nous voici ma fille et moi aussi pauvres que les plus pauvres des serfs, car je n’ai pas fait tort d’une obole au seigneur de Plouernel... Mais le courage ne nous manquera pas ! — Pendant que le tabellion achevait de transcrire les paroles de Bezenecq, celui-ci, uniquement occupé de sa fille, ne remarquait, non plus qu’elle, ce qui se passait à quelques pas de lui dans ce cachot, faiblement éclairé par la lueur des lanternes, car la nuit était venue : l’un des bourreaux commençait d’entasser le charbon et les fagots sous le gril. — Le seigneur de Plouernel peut envoyer à Nantes son messager avec une escorte, — dit Bezenecq à Garin-Mange-Vilain ; — si ce messager se hâte, il sera de retour demain dans la nuit ; nous ne serons sans doute, ma fille et moi, remis en liberté que lorsque le seigneur comte sera en possession de mes biens ; seulement, en attendant notre départ du château, soyez assez généreux, baillif, pour nous faire conduire dans un endroit quel qu’il soit, mais moins sinistre que celui-ci... Ma pauvre enfant est brisée de fatigue ; de plus, elle est fort craintive, aussi passerait-elle une