Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rieuse intelligence ; ne les as-tu pas vues : tristes languissantes, lorsqu’elles manquent d’air et de soleil, renaître en un instant au grand jour, plus fraîches, plus brillantes que jamais !

— Mon père, — dit soudain Isoline en indiquant d’un geste épouvanté la muraille dans laquelle était sculpté le hideux masque de pierre, — les yeux profonds de cette tête semblent s’illuminer intérieurement... Voyez, voyez ces lueurs qui s’en échappent !

Le marchand tourna vivement la tête du côté du mur que lui indiquait sa fille et auquel il tournait alors le dos, mais déjà les lueurs avaient disparu ; Bezenecq crut à une illusion de l’esprit effrayé d’Isoline, et répondis : — Tu te seras trompée ; comment veux-tu que les yeux de cette laide figure jettent des lueurs ? il faudrait donc qu’il y eût une lumière dans l’épaisseur de la muraille ; est-ce possible, mon enfant ?

La porte du cachot faisait face au masque de pierre ; soudain elle s’ouvrit. Bezenecq-le-Riche et sa fille virent entrer le baillif Garin-Mange-Vilain et le tabellion du seigneur de Plouernel, suivis de plusieurs gens à figures sinistres ; l’un portait un soufflet de forge et un sac de charbon ; un autre de ces hommes était chargé de plusieurs fagots. Isoline, un moment rassurée par son père, mais rappelée à la réalité par l’approche des bourreaux, jeta un cri d’effroi ; Bezenecq, pour calmer les angoisses de sa fille, se leva et dit au baillif d’une voix ferme, en lui désignant le tabellion : — Ce cher maître qui tient des parchemins sous son bras est sans doute le notaire du seigneur comte ? — Garin-Mange-Vilain fit un signe de tête affirmatif. — Ce notaire, — poursuivit le bourgeois de Nantes, — vient me faire signer l’acte par lequel je consens à payer rançon ? — Le baillif fit un nouveau signe de tête affirmatif. Bezenecq s’adressant alors à sa fille et affectant le calme, presque la gaieté : — Ne crains rien, chère enfant, moi et ces dignes hommes, nous allons à l’instant être d’accord ; après quoi, j’en suis certain, nous n’aurons rien à redouter d’eux, et ils nous mettront en liberté ; or donc, maître ta-