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repaires ? s’enivrer, assouvir leur luxure sur les femmes de leurs domaines, pressurer serfs et vassaux, rançonner, torturer les voyageurs, guerroyer sans cesse, dis, n’est-ce pas là leur vie ? crois-moi, ces hommes farouches se lassent ou se lasseront de cette existence sauvage et violente.


— Plusieurs fois, en effet, j’ai été frappé de leur mortel ennui, et de cet ennui Neroweg VI lui-même est, je le sais, profondément atteint,


— Maintenant, lorsque ces hommes souillés de crimes, presque aussi abrutis que leurs serfs, ayant tous plus ou moins au fond de l’âme la peur du diable, entendront des prêtres inspirés leur dire : « Vous étouffez dans vos noires citadelles de pierre, vous vous disputez les maigres dépouilles de quelques voyageurs ou les terres infécondes de l’Occident, terres peuplées de misérables, plus semblables à des bêtes qu’à des êtres humains ; quittez le sol ingrat, et le sombre ciel de l’Occident ! venez en Palestine, venez en Orient, pays d’azur et de soleil ! terre féconde, splendide, radieuse, aux villas magnifiques, aux palais de marbre, aux coupoles dorées, aux jardins délicieux peuplés de femmes enchanteresses ! venez en Palestine ! là vous trouverez des trésors accumulés par les Sarrasins depuis des siècles, trésors si prodigieux qu’ils suffiraient à couvrir d’or, de, rubis, de perles, de diamants la route de la Gaule à Jérusalem ! tout cela, Dieu vous le donne ! Oui, terre féconde, palais, femmes, trésors, le Tout-Puissant les donne aux fidèles qui s’en iront à Jérusalem venger le saint sépulcre des outrages des Sarrasins ; venez, venez à la guerre sainte ! si énormes que, soient vos crimes, vous en êtes absous par cette pieuse entreprise ! » Simon, je te l’affirme, une infinité de seigneurs mordront de toute la force de leurs lourdes mâchoires à cet hameçon étincelant de tous les feux du soleil d’Orient ?

— Je ne dis pas non, Yéronimo, — reprit l’évêque de Nantes en réfléchissant, — je ne dis pas non.