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— Que dis-tu ? le pape…

— J’aurais dû te garder le secret jusqu’à l’apparition des émissaires d’Urbain II en cette contrée ; par son ordre je les précède auprès de toi et des évêques de l’ouest de la Gaule.

— Quoi ! des émissaires vont ici prêcher la croisade ?

— Demain peut-être Coucou-Pietre et le chevalier Gauthier-sans-Avoir seront en Anjou ; voilà pourquoi, d’après le commandement d’Urbain II, je t’avais engagé à m’accompagner à Angers, où se doivent réunir d’autres prélats, afin de nous concerter sur les moyens à employer pour pousser le peuple à la croisade.

— Et quels sont ces hommes chargés de la prêcher ?

— L’un, Pierre-l’Ermite, vulgairement appelé Coucou-Pietre, est un moine, il a déjà deux fois accompli le pèlerinage de Jérusalem ; homme ardent, passionné, sa sauvage éloquence a sur les multitudes une action puissante ; son compagnon, Gauthier-sans-Avoir, chevalier d’aventure, joyeux et hardi Gascon, séduit par la gaieté de ses paroles et par ses éblouissantes promesses, ceux que n’entraîne point la farouche éloquence de Pierre-l’Ermite.

— Yéronimo, ce que tu m’apprends me confond… Mais par quels moyens Urbain II espère-t-il mener ses projets à bonne fin ?

— Je t’en instruirai tout à l’heure ; tels sont donc les principaux motifs de l’Église à pousser les peuples aux croisades : habituer l’Europe catholique à se lever à la voix des papes pour l’extermination des hérétiques… envoyer en Palestine grand nombre de ces seigneurs, qui disputent à l’Église les biens de la terre et la domination des peuples.

— Certes, Yéronimo, la pensée est profondément politique ; je vois le but, mais comment l’atteindre ?

— Tu le sauras ; laisse-moi d’abord appeler ton attention sur un dernier motif imprévu par Grégoire VII, mais qui, de nos jours, rend indispensable une grande migration de populaire vers la terre sainte. Est-il vrai qu’en Gaule, malgré les guerres privées des sei-