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— une foule de prêtres mariés ont été, eux et leur famille, égorgés au pied des autels, à la voix du pape Grégoire VII ; mais, franchement ? l’adultère, le concubinage des prêtres sont-ils préférables aux unions légitimes qu’ils contractaient de mon temps ? « Les prêtres mariés, disait Grégoire VII, donnaient les biens et les offices de l’Église à leurs enfants. » Soit, mais on les donne aujourd’hui à ses maîtresses ou aux enfants de ses maîtresses ; le résultat est le même, et la moralité y perd ; puis, le prêtre marié, habitué aux saintes joies de la famille, à la douceur du foyer domestique, ne devient-il pas meilleur ? plus humain ? plus compatissant ? en un mot... plus homme !

— Eh ! que m’importe, à moi, le concubinage des prêtres ! — s’écria le moine romain en haussant les épaules, — le concubinage, lien honteux, fragile, éphémère, ne gêne point, n’absorbe point ; le mariage, au contraire, lien solide, honnête, durable, énerve le prêtre, l’entrave, et tôt ou tard l’attache au sol, au pays !

— Est-ce donc un grand mal, Yéronimo ?

— Tu demandes si c’est un grand mal ! — s’écria le moine courroucé ; puis, s’adressant brusquement à Simon : — Quel est le but constant, unique de l’Église ?

— La domination spirituelle des peuples.

— Domination spirituelle et temporelle aussi ! les deux se tiennent : qui a l’âme a le corps ! qui a l’âme et le corps est maître souverain des hommes. Et tu veux qu’un prêtre, préoccupé de son pays, de son foyer, de sa famille, amolli par ces mièvres affections, conserve assez d’énergie pour se vouer, avec une implacable ténacité, au triomphe de la domination absolue de l’Église ? à l’anéantissement des hérétiques ? puisque, malgré le massacre des Ariens, exterminés par Clovis à la voix des évêques, l’hérésie s’est perpétuée jusqu’aux Manichéens d’Orléans, dont le bûcher fume encore !

— Peut-être, si l’on essayait de combattre l’erreur par la persuasion...