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— Je me soucie du Parloir aux bourgeois comme de l’évêché, — s’écria le comte, — je garde les prisonniers !

Le sergent et Eidiol s’apprêtaient à réclamer encore, mais à la vue d’un nouveau personnage devant lequel la foule s’agenouillait dévotement, le sergent s’écria : — Bon père Fultrade, venez à mon aide ; mieux que moi vous convaincrez le seigneur comte des droits de l’évêque sur ces prisonniers.

Le père Fultrade, chantre de l’abbaye de Saint-Denis, auquel s’adressait le sergent, était un grand moine de trente ans au plus, qui s’avançait dans la rue au pas de son cheval, distribuant à droite et à gauche ses bénédictions d’une main velue jusqu’au bout des ongles. Ce moine, d’une carrure d’Hercule, avait la figure vivement colorée, les oreilles écarlates, et malgré les ordonnances des conciles qui prescrivaient alors aux gens d’église de se raser la barbe, la sienne, aussi noire que ses épais sourcils, tombait jusque sur sa robuste poitrine. Fultrade ayant entendu l’appel du sergent et reconnaissant le comte de Paris, descendit de cheval, en confia les rênes à un jeune garçon qui s’inclina dévotement, et se dirigea d’un pas pressé vers Roth-bert à travers la foule de plus en plus tumultueuse et agitée ; les uns (et en grand nombre), prenaient hautement parti pour les prétentions judiciaires du sergent de l’évêché, les autres pour celles des mariniers ; enfin, la très-petite minorité soutenait les prétentions du comte ; aussi ce dernier sachant qu’à l’encontre des vilains et des serfs des campagnes, que rien ne protégeait contre l’oppression des seigneurs, les habitants des cités, quoique très-misérables, jouissaient du moins de certaines franchises auxquelles il était souvent imprudent de porter atteinte, et voulant gagner l’appui du chantre, lui dit cordialement : — Sois le bien venu, Fultrade, tu es un homme docte, tu vas être certainement de mon avis, au sujet de ces deux vauriens. Ils ont eu l’audace de m’outrager ; ils prétendent être jugés par le Parloir aux bourgeois, le sergent de l’évêque les réclame, et moi, je prétends qu’ils appartiennent à mon prévôt.