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cifs ; la jeune fille, effrayée, avait caché son pâle visage, baigné de larmes, dans le sein de son père. Robin-le-Nantais, élevant alors la voix, dit à Neroweg VI, en mettant la main sur l’épaule du citadin : — Voici l’un des plus riches marchands de la cité de Nantes ! Aussi le nomme-t-on Bezenecq-le-Riche, il vaut son pesant d’or.

Le comte attacha son regard de faucon sur le captif, et faisant deux pas vers lui : — Donc, tu t’appelles Bezenecq-le-Riche... le Riche !... ce nom promet.

— Et il tiendra ce qu’il promet, noble seigneur, — répondit humblement le bourgeois ; — vos hommes m’ont sans doute arrêté afin de me rançonner ; soit, je payerai rançon ; ne me séparez pas de ma fille. Donnez-moi un parchemin, je vais écrire au dépositaire de mon argent l’ordre de remettre cent sous d’or à celui de vas hommes qui lui apportera ma lettre. Vous aurez la somme dès le retour de votre messager, alors vous nous rendrez, je l’espère, la liberté à ma fille et à moi. — Puis, voyant le comte hocher la tête avec un sourire sardonique, le marchand ajouta : — Illustre seigneur de Plouernel, au lieu de cent sous d’or, je vous en donnerai deux cents ; mais, de grâce, faites-moi conduire avec ma fille dans quelque réduit où la pauvre enfant puisse se remettre de son effroi et des fatigues du chemin ; voyez : elle peut à peine se soutenir. — En effet Isoline, de plus en plus effrayée des regards ardents des deux louveteaux, tremblait convulsivement ; Neroweg VI, toujours silencieux, jetait parfois les yeux du côté du donjon, comme s’il eût attendu le retour du baillif, Bezenecq reprit avec effroi : — Seigneur, si deux cents pièces d’or ne vous suffisent point, j’irai jusqu’à trois cents ; c’est ma ruine ; je m’y résigne, pourvu que vous nous laissiez libres, ma fille et moi.

À ce moment Garin-Mange-Vilain sortit du donjon, traversa le pont-levis, et vint parler à l’oreille de Neroweg VI, qui, s’adressant l’évêque, à Yéronimo, à Bezenecq et à sa fille : — Allons, mes hôtes, votre logis vous attend.