Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

béir au vieillard, toutes deux se relevèrent et retournèrent en sanglotant à leur maison. — Roth-Bert, — reprit Eidiol, — tu n’as pas le droit de nous retenir prisonniers ; nous ne sommes pas, grâce à Dieu, abandonnés à merci comme les serfs des campagnes ! nous avons quelques franchises dans la Cité ; si nous sommes coupables, nous devons, comme mariniers, être jugés par le Parloir aux bourgeois des marchands de l’eau (D).

— Le compagnon qui est chargé de couper les oreilles des bandits de ta sorte, devant la croix du Trahoir, te prouvera que j’ai le droit de t’essoreiller, — reprit le comte en remontant à cheval ; puis, s’adressant à ses hommes : — Que deux de vous me suivent, les autres conduiront les prisonniers à la geôle du Châtelet, mon prévôt les jugera ce soir, et demain… leur supplice !

— Seigneur comte, — dit un homme en sortant de la foule, et s’approchant de Roth-bert, — je suis sergent de l’évêque de Paris.

— Je le vois à ton habit, que veux-tu ?

— La juridiction de la partie gauche de cette rue appartient à mon Seigneur l’évêque ; je réclame ces prisonniers, la foule me prêtera main-forte pour les conduire à l’évêché, où notre prévôt les jugera…

— Si la gauche de la rue appartient à la juridiction de l’évêque, la droite m’appartient (E), — s’écria le comte de Paris, — je garde les prisonniers.

— Seigneur, ce serait votre droit si le délit s’était commis du côté de la rue qui relève de votre fief, mais….

— Assez ! — reprit Roth-bert, en interrompant le sergent ; — ces deux coquins étaient montés sur un chariot, qui obstruait toute la largeur de la rue, il ne s’agit donc ici ni de côté droit ni de côté gauche.

— Alors, seigneur comte, ces délinquants appartiennent autant à l’évêque qu’à vous.

— Et moi, je prétends, — reprit Eidiol, — qu’au Parloir-aux-bourgeois appartient seul le droit de nous juger.