Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rons mariés, Marceline, — reprit Yvon, après un moment de réflexion ; — mais pour revenir au miracle qui expliquera ma transformation d’idiot en créature raisonnable, il est fort simple : Saint Eusèbe, le patron de l’ermitage, aura accompli ce prodige, et l’adroit coquin, à qui l’ermitage rapporte de bons profits, ne me démentira pas, car le bruit de ce nouveau miracle doublera ses aubaines.

Marceline-aux-Cheveux-d’or ne put s’empêcher de sourire à l’idée du jeune garçon, et reprit : — Est-ce bien Yvon-le-Bestial qui parle ainsi ?

— Non, chère et douce fille, je te l’ai dit : c’est Yvon-l’amoureux qui parle ainsi ; Yvon de qui tu avais compassion lorsqu’il était le jouet, la victime de tous ! Yvon qui en retour de ton bon cœur t’offre amour et dévouement ; c’est tout ce que peut promettre un pauvre serf, puisque son travail et sa vie appartiennent à ses maîtres. Accepte mon offre, Marceline, nous serons aussi heureux qu’on peut l’être en ces temps maudits. Nous cultiverons au profit du domaine la terre qui environne la cabane du forestier ; je tuerai pour le château le gibier qu’il faudra, et aussi vrai que le bon Dieu a créé les daims pour celui qui les chasse, nous ne manquerons jamais d’un morceau de venaison ; tu donneras tes soins au jardinet de la hutte, le ruisseau de la Fontaine-aux-Biches coule à cent pas de notre demeure ; nous vivrons seuls au fond des bois sans autre compagnie que celle des oiseaux et de nos enfants ; maintenant, est-ce oui, est-ce non ?

— Ah ! Yvon, — répondit la jeune fille, les yeux baignés de larmes d’attendrissement, — si une serve pouvait disposer d’elle-même, je te dirais oui... oui, oh ! cent fois oui !

— Ma bien-aimée, notre bonheur dépend de toi, si tu as le courage de faire à ta maîtresse la demande que je te dis. Jamais occasion n’aura été plus favorable.

— Cette demande, est-ce ce soir qu’il me faudra l’adresser à dame Adelinde ?

— Non, mais demain matin, lorsque je serai de retour avec ma