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vient d’introniser par le meurtre ! Peut-être le verrez-vous, ce jour prédit par Victoria-la-Grande, où la Gaule, se relevant libre, brisera le double joug des rois franks et des papes de Rome !

La nuit vint, les ténèbres envahirent cette grande salle ; un bruit de pas se fit entendre au dehors. Yvon, profitant de l’obscurité, se tapit derrière le lit de repos ; Sigefried, un des courtisans, entra disant : — Seigneur roi ! malgré les ordres formels de la reine qui nous a commandé de respecter votre sommeil et de ne pas entrer ici avant son retour, je viens vous annoncer l’arrivée du comte de Paris.

En parlant ainsi, Sigefried s’approchait, laissant derrière lui la porte ouverte, Yvon profita de cette circonstance et sortit de la salle en rampant, protégé par l’ombre. Sigefried ne recevant aucune réponse de Ludwig, se dit à demi-voix : — Le roi dort toujours. — Se rapprochant alors, en élevant la voix, il reprit : — Seigneur... — Mais distinguant à l’incertaine clarté des dernières lueurs crépusculaires, le corps de Ludwig étendu sur le plancher, Sigefried toucha la main glacée du roi, se redressa frappé de frayeur et courut vers la porte en criant : — À l’aide ! à l’aide ! — puis il traversa la salle voisine en continuant d’appeler au secours. Peu de moments après, plusieurs serviteurs parurent portant des torches et précédant Hugh-le-Chappet, revêtu de sa brillante armure et accompagné de plusieurs de ses officiers. — Que dis-tu ? — s’écriait le comte de Paris, avec un accent de surprise et d’alarme, en s’adressant à Sigefried, — le roi mort ? non, non, c’est impossible !

— Hélas ! seigneur, je l’ai trouvé tombé à bas de son lit de repos ; j’ai touché sa main, elle était glacée ! — En disant ces mots, Sigefried suivit Hugh-le-Chappet dans la salle où les flambeaux apportés par les serviteurs jetèrent bientôt une vive clarté. Le comte de Paris contempla un instant le cadavre du dernier roi karolingien, et s’écria d’un ton appitoyé : — Hélas ! mort à vingt ans ! — Puis se tournant vers Sigefried, en portant sa main à ses yeux comme pour cacher ses larmes. — Ce trépas si soudain, comment l’expliquer ?