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abattement qui me navre autant que vous, aussi plus que jamais je m’applaudis de mon projet...

— Quel projet ?

— Je veux passer la journée entière près de vous ; nous prendrons ici notre repas du matin ; j’ai donné pour cela des ordres, cher indolent ; puis nous irons entendre la messe ; nous ferons ensuite une longue promenade en litière dans la forêt, et enfin... Mais non, non, la surprise que je vous ménage sera le prix de votre soumission à mes désirs.

— De quelle surprise parlez-vous ?

— Jamais vous n’aurez passé plus charmante soirée... Oui, vous que tout fatigue, que tout ennuie... vous serez ravi de ce que je vous ménage.

— Mais, encore une fois, de quoi s’agit-il ?

— Oh ! n’insistez pas... je serai impitoyable et ne vous dirai pas mon secret !

Ludwig-le-Fainéant, d’un caractère indolent et puéril, sentit sa curiosité redoubler ; mais il ne put obtenir de Blanche aucune explication. Bientôt les chambellans et les serviteurs entrèrent, portant des plats d’argent, des vases d’or et autres préparatifs pour le repas du matin, qui, par ordre de la reine, devait être servi dans cette salle. D’autres hommes de la chambre du roi prirent la grande table recouverte d’un tapis traînant, sous laquelle s’était blotti Yvon-le-Bestial, et la transportèrent devant le lit de repos où se tenaient Blanche et Ludwig. L’idiot, courbé sous la table, et caché par l’ampleur du tapis, dont les plis balayaient le plancher, marcha sur ses genoux et sur ses mains à mesure que la table s’avançait portée par les serviteurs, il s’arrêta lorsqu’elle fut placée devant Blanche et Ludwig. Échansons et écuyers s’apprêtaient à accomplir leur service habituel, lorsque la reine dit en souriant à son mari : — Mon gracieux maître consent-il à ce que je sois en ce jour sa seule servante ?

— Si cela vous plaît, qu’il en soit ainsi, — répondit Ludwig-le--