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— Les médisants, voyant Ludwig mourir si promptement, parleraient peut-être... de poison ?

— Une conscience pure méprise les calomnies.

— Oh ! moi, je les mépriserais ces calomnies ; mais toi, mon bien aimé Hugh, toi ? les mépriserais-tu ?

— Tout à l’heure tu m’as demandé si je croyais Imma coupable de l’empoisonnement de son mari, je t’ai répondu ceci : Je crois ce que je vois... quand je ne vois pas... je doute.

— Ainsi quoi qu’il arrive, jamais tu ne m’accuserais d’être une empoisonneuse ?

— Oh ! Blanche, que la malédiction du ciel me frappe ! si jamais j’étais assez infâme pour concevoir un pareil soupçon contre toi ! — s’écria Hugh-le-Chappet avec une tendresse passionnée, en enlaçant la reine entre ses bras. — Quoi ! le Seigneur, rappelant à lui ton mari, comblerait le rêve de ma vie ! me permettrait de sanctifier par le mariage cet ardent amour à qui je sacrifierais tout, sauf mon salut éternel ! et au lieu de remercier Dieu, j’irais te soupçonner d’un crime odieux, toi ? toi, âme de ma vie ! — Puis serrant plus étroitement encore contre sa large poitrine la reine, qui, la joue en feu, le sein bondissant, le regard troublé, semblait plongée dans l’extase, Hugh-le-Chappet ajouta d’une voix basse et palpitante : — Ô délices de mon cœur ! si tu étais un jour ma femme devant Dieu ! dans cet amour désormais pur et saint, nous fondrions nos âmes ; et puis, joies du ciel ! nous ne vieillirions pas ! la fin du monde approche, et ensemble nous quitterions cette vie encore pleins d’ardeur et d’amour ! — En disant ces derniers mots, le Comte de Paris approcha ses lèvres des lèvres de la reine ; elle murmura quelques mots d’une voix défaillante ; mais lui, se dégageant avec effort des bras de Blanche, qui tomba brisée à ses pieds, s’écria en s’éloignant : — Non ! il me faut un courage surhumain pour résister à la passion qui nous dévore ! Laisse-moi, adieu ! je retourne à Paris, d’où je suis venu en secret !