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Blanche parut surprise de l’indignation de Hugh-le-Chappet, le regarda de nouveau très-attentivement, puis lui dit d’un air de doute : — Je crains que nous ne nous entendions pas ?

— Pourquoi cela ?

— Tout à l’heure ne m’as-tu pas dit : mon désir est de te voir lire au plus profond de mon cœur... ma plus secrète pensée ?

— Je t’ai dit cela.

— Cette secrète pensée... je croyais l’avoir lue dans ton cœur ; me serais-je trompée ?

— En quoi trompée ?

Après un nouveau silence, la reine reprit : — Sais-tu que le roi Lothèr serait mort à propos pour toi, si tu étais ambitieux ? Et l’évêque Adalberon, complice de la reine, était ton ami !

— Il l’était avant son crime.

— Et après ?

— L’évêque m’a fait horreur.

— Cependant son crime t’a profité.

— En quoi, Blanche ? Le fils de Lothèr ne règne-t-il pas aujourd’hui ? D’ailleurs quand mes aïeux, les comtes de Paris, ont voulu la couronne, ils n’ont pas assassiné les rois, ils les ont détrônés, ainsi que Eudes a détrôné Karl-le-Gros, et Roth-bert... Karl-le-Sot.

— Ce qui n’a pas empêché Karl-le-Sot, neveu de Karl-le-Gros, de remonter plus tard sur le trône, de même que Ludwig-d’Outre-mer, fils de Karl-le-Sot, a aussi plus tard repris sa couronne, tandis que le roi Lothèr, empoisonné l’an passé, ne régnera plus ; d’où il suit... qu’il vaut mieux tuer les rois que les détrôner, lorsqu’on veut régner à leur place.

— Oui... si l’on n’a point souci des peines éternelles.

— Hugh, si d’aventure mon mari mourait ?... Cela peut arriver, n’est-ce pas ?

— La volonté du Seigneur est toute-puissante, — répondit Hugh--