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tu en venir ? Est-ce un piège ? — Et tâchant de lire de nouveau dans les regards et sur la figure de son amant le fond de sa pensée, elle attacha longtemps, mais en vain, les yeux sur lui, et s’écria avec un accent de rage concentrée : — Rien ! rien ! toujours impénétrable !

— Loin de te rien dissimuler, — reprit Hugh, — mon seul vœu est de te voit lire au plus profond de mon cœur... ma plus secrète pensée.

Le Comte de Paris appuya tellement sur ces derniers mots que Blanche le regarda fixement et reprit : — Entends-tu par là que je doive deviner... ou supposer ce que tu ne me diras pas ?

— Mon seul vœu, je te le répète, — reprit le comte impassible, — est de te voir lire dans mon cœur... ma plus secrète pensée.

— Malédiction sur moi ! — s’écria la reine, — cet homme n’est que ruse, artifice et ténèbres ! et je l’aime ! et j’en suis affolée !... Oh ! il y a là quelque charme magique ! — Et mordant son mouchoir avec une rage sourde, elle dit à Hugh-le-Chappet : Je ne t’interromprai plus, dussé-je étouffer de colère !

— Blanche, je te l’ai dit, l’approche des temps redoutables où le monde doit finir, me donne à penser pour mon salut ; j’envisage avec effroi notre commerce doublement adultère, car nous sommes tous deux mariés ; — puis arrêtant du geste une nouvelle explosion de fureur de la reine, le Comte de Paris ajouta d’une voix solennelle, en levant sa main vers le ciel : — J’en jure Dieu par le salut de mon âme ! si tu étais veuve j’obtiendrais du pape mon divorce, et je t’épouserais avec une sainte joie ; mais aussi j’en jure Dieu par le salut de mon âme ! je ne veux plus désormais braver les peines éternelles en continuant un commerce criminel avec une femme liée, comme je le suis moi-même, par le sacrement du mariage. Non, non, ces quelques années qui nous séparent de l’an 1000, redoutable jour du jugement dernier, je les passerai dans la mortification, le jeûne, l’abstinence, le repentir, la prière, afin d’obtenir du Seigneur Dieu